Les Récits de la Tradition

La dévotion de Jurayj

(Rapporté par Abû Hurayra, Sahih d’al-Bukhàrî et Sahih de Muslim.)

Il y a bien longtemps vécu un homme prénommé Jurayj.

Jurayj aimait Dieu plus que tout, et il aimait passer son temps en prière, si bien qu’il était considéré comme un ascète et un dévot par les siens. Il avait d’ailleurs à cet effet construit une petite demeure surélevée dans laquelle il passait tout son temps à prier et à implorer son Seigneur.

Un jour, sa mère vint le voir alors qu’il était en prière. Elle l’appela, levant les yeux vers la fenêtre :
« Jurayj ! »

Ce dernier entendit bien sa mère l’appeler. Elle devait avoir besoin de lui, mais il était en prière et il ne sut que faire. Alors il demanda à Dieu :
« Seigneur ! Dois-je répondre à ma mère ou poursuivre ma prière ? »

Ecoutant l’inspiration de son cœur, il décida de continuer sa prière et sa mère s’en alla.
Mais le lendemain, le même épisode se produisit. Sa mère revint le voir et le trouva encore en prière. Elle l’appela :
« Jurayj ! »

Toujours soucieux de bien faire, Jurayj demanda :
« Seigneur ! Dois-je répondre à ma mère ou poursuivre ma prière ? »

Suivant les murmures de son cœur, il continua sa prière et sa mère s’en alla à nouveau.
Le troisième jour, sa mère, quelque peu agacée, revint, espérant cette fois que son fils viendrait à elle. Elle l’appela donc :
« Jurayj ! »

Mais notre homme était encore en prière. Ne sachant que faire, Jurayj s’en remit à Dieu :
« Seigneur ! Dois-je répondre à ma mère ou poursuivre ma prière ? »

Et là encore il continua sa prière. Mais cette fois-ci, sa mère ne supporta pas qu’il l’ignore et elle pria contre son fils en disant :
« Seigneur ! Ne le fais pas mourir avant qu’il ait vu le visage des prostituées ! »

Et tout le monde sait combien la prière d’une mère est chose grave et qu’elle reçoit une audience particulière auprès du Maître de l’Univers.

Le temps passa… Jurayj disposait d’une haute considération et faisait l’admiration des Enfants d’Israël. Nombreux étaient ceux qui louaient ses mérites et la force de sa foi. Un jour, alors que quelques hommes étaient là à vanter les mérites de Jurayj et son renoncement à ce bas monde et aux plaisirs terrestres, une prostituée passa et épia leur discussion. Elle était connue pour sa beauté et sa capacité à faire tourner la tête des hommes les plus droits, Intéressée par leurs dires, elle se dit que Jurayj, aussi pieux fût-il ne pourrait jamais résister à sa beauté. Elle voulut montrer combien était fragile la foi d’un homme face à sa beauté ravageuse. Alors elle leur dit :
– Si vous le voulez, je le séduirai !, sûre de démontrer la faiblesse de Jurayj.

Les hommes, interpellés, acceptèrent. Alors la jeune femme se rendit auprès de Jurayj, belle comme jamais elle ne l’avait été et s’offrit à lui sans pudeur ni retenue. Elle était sûre que Jurayj succomberait immédiatement, mais elle était loin de se douter de l’attachement de notre homme à son Seigneur, car malgré toutes ses tentatives de séduction, notre homme ne lui prêta aucune attention. Il ne la regarda même pas.

Vexée et humiliée, la jeune prostituée décida de se venger de lui. Elle alla trouver un berger qui vivait non loin de là et se donna à lui. L’homme ne se le fit pas proposer deux fois et succomba à son charme. De cette union naquit un enfant, enfant voulu par cette femme. Elle attendit patiemment le terme de sa grossesse, puis, quand elle eut accouché, elle se rendit auprès des gens de la cité, ceux-là mêmes à qui elle avait fait la malhonnête proposition dont Jurayj devait être la victime. Elle vint avec son enfant en affirmant :
– Voici l’enfant de votre dévot, Jurayj, cet homme qui vous a dupés par son dévouement à Dieu !

Les hommes n’en crurent pas leurs yeux, puis la colère fit place à la surprise. Comment ?! L’homme pour qui ils avaient autant de respect les avait confondus ! Il s’était moqué d’eux avec sa prétendue adoration ! Alors, pleins de rancœur et de ressentiment, ils se précipitèrent chez Jurayj. Ils le firent descendre de sa demeure et le frappèrent avec violence pendant que d’autres s’acharnaient à détruire sa demeure. Ne comprenant pas ce qu’il se passait, Jurayj demanda alors :
– Que me voulez-vous donc ?
– Tu as commis l’interdit avec cette prostituée !, crièrent-ils. Et-tu as eu un enfant avec elle ! Tu nous as trompés avec ta prétendue moralité !

Jurayj Avait une confiance en Dieu inébranlable. Il savait aussi qu’il était innocent de toutes les accusations qu’on lui portait. Il demanda alors, avec une sérénité retrouvée :
– Ou est l’enfant ?

Des hommes le lui apportèrent, Jurayj dit alors :
– Laissez-moi d’abord prier un peu

Sous les sarcasmes des hommes de la cité, Jurayj pria et fit des demandes à Dieu que seul Lui connait.
Puis, lorsqu’il eut terminé, il s’approcha du nouveau-né, défit la couverture dans laquelle il était enveloppé, et lui tapota le ventre en lui demandant :
– Petit, qui est ton père.

C’est alors que le nourrisson répondit :
– C’est le berger.

La stupeur s’installa parmi l’assemblée. Comment un bébé qui venait de naître pouvait-il parler ? Personne ne prononça un mot pendant de longues secondes tant tous étaient hébétés. Ils regardaient Jurayj avec un mélange de stupeur et de regrets, un peu de peur aussi… Mais tous comprirent combien l’homme était protégé de Dieu. Il avait tant prié que Dieu ne le laisserait jamais livré à l’injustice des hommes. Ils s approchèrent alors de Jurayj, l’embrassèrent et passèrent leurs mains sur son corps, comme s’il était un saint qui portait les bénédictions de Dieu. Pleins de regrets, ils dirent :
– Nous allons te reconstruire une demeure, elle sera faite d’or !

Mais Jurayj refusa. Tout ce qu’il voulait c’était continuer a prier Dieu et à s’attacher à son adoration. Il leur demanda simplement de la refaire t’elle qu’elle était.

Et depuis, plus personne n’osa douter de la sincérité de Jurayj, l’homme à qui Dieu permit de faire parler un nourrisson….

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