Les preuves relatives au statut juridique de la mutilation génitale féminine
Par T. Konaté
Louanges à Allah. Que la paix et les bénédictions soient sur le Messager de Dieu, sur sa famille, ses Compagnons et ceux qui suivent sa guidée.
S’il nous est demandé aujourd’hui de trancher cette question controversée, à savoir l’excision des femmes, en explicitant son statut juridique de manière indiscutable ou tout du moins de manière solide, conformément aux preuves légales recevables, alors il nous incombe de revoir la question à la racine, par l’examen des arguments avancés par les différentes parties : sont-elles authentiques ? Sont-elles au contraire d’authenticité douteuse ? si ces preuves sont authentiques, indiquent-elles explicitement le jugement qui en est tiré ou pas ?
Par définition, l’excision est l’ablation complète du clitoris (clitoridectomie).
La Charia tire ses principes dans ses sources originales et authentiques, à savoir : le Saint Coran, la Sunna authentique du Prophète, le Consensus (Al-Ijma’) répondant aux conditions bien précises de la science de la méthodologie juridique, l’Analogie (Al-Qiyas) répondant également aux conditions d’authenticité.
Les preuves issues du Saint Coran
Le Coran ne contient aucun texte faisant allusion, ni de près ni de loin, à l’excision des filles. De même, il n’y a aucun consensus sur un arrêt légal concernant cette question, tout comme aucune analogie ne peut s’y appliquer.
L’examen du Saint Coran révèle que la circoncision n’a été abordée directement dans aucune sourate mecquoise ni médinoise. Néanmoins, les jurisconsultes chaféites, qui considèrent la circoncision comme une obligation pour les deux sexes, invoquent entre autres arguments ce verset :
« Suis la religion d’Abraham qui était voué exclusivement à Dieu et n’était point du nombre des associateurs.»
(Coran 15 verset 123)
À vrai dire, la référence à ce verset est tirée par les cheveux, car l’ordre de suivre la religion d’Abraham est plus étendu et plus profond que la question de la circoncision. Il s’agit en réalité de suivre sa voie consistant à établir le monothéisme, à s’écarter de l’idolâtrie, et à promouvoir l’Unicité de Dieu en usant de sagesse et d’argumentation, comme cela est illustré dans son message adressé à son père et à son peuple. Toute son argumentation tournait autour du monothéisme et ne concernait guère le détail des règlements. C’est pour cela que le Coran n’a guère abordé ces questions secondaires. Le Très-Haut dit :
« Dis : « Moi, mon Seigneur m’a guidé vers un chemin droit, une religion droite, la religion d’Abraham, le soumis exclusivement à Dieu, qui n’était point parmi les associateurs. » »
(Coran 6 verset 161)
Il dit aussi :
« Certes, vous avez eu un bel exemple en Abraham et en ceux qui étaient avec lui, quand ils dirent à leur peuple : « Nous vous désavouons, vous et ce que vous adorez en dehors de Dieu. Nous vous renions. Entre vous et nous, l’inimitié et la haine sont à jamais déclarées jusqu’à ce que vous croyiez en Dieu, seul. » (…) »
(Coran 60 verset 4)
Quoiqu’il en soit, ceux qui invoquent l’adhésion à la religion d’Abraham (as) pour prouver le caractère obligatoire de la circoncision le font pour justifier la circoncision des hommes.
Ce verset ne fournit en effet aucune base pour cette pratique chez les femmes.
Les preuves issues de la Sunnah
Si rien dans le Saint Coran n’indique le statut juridique de l’excision, seule la Sunnah serait susceptible de contenir des hadiths repris par les savants pour fonder les différents points de vue existant sur cette question. Tous les jurisconsultes se référent en effet à des hadiths en la matière.
Les jurisconsultes divergent au sujet du statut juridique de la circoncision des femmes :
- Pour les malikites, c’est recommandée. (Cf: “Fiqh at-tahara” de “al-Qaradawi p133).
- Pour les hanafites et les hanbalites (dans l’un des deux avis), c’est un acte symbolique ou honorifique, mais pas une sunna (Cf : “Fiqh at-tahara “ de al-Qaradawi p133).
- Pour les shafi’ites et les hanbalites (l’avis le plus réputé), c’est une obligation (Cf: “Fiqh at-tahara “ de al-Qaradawi p133)
D’après l’avis qui paraît pertinent, en islam la « circoncision » ne fait pas l’objet d’une obligation ; ni même d’une recommandation. (Voir Fat’h ul-bârî, tome 10 p. 419).
Dans certaines régions du monde, une certaine forme de circoncision féminine était pratiquée, et c’était le cas en Arabie à l’époque du Prophète (SAW). Il a dit ainsi à une femme de Médine :
« N’enlèves pas. Cela sera source de plaisir pour la femme et apprécié par le mari »
(Rapporté par Abû Daoud et authentifié par al-Albani).
Le savant al-‘Azîm-âbâdî écrit en commentaire des mots « apprécié par le mari », employés par le Prophète :
« Ceci parce que lorsque le mari fait à sa femme des attouchements sur ses lèvres et son clitoris la femme en ressent du plaisir au point d’atteindre parfois l’orgasme sans qu’il y ait pénétration. En effet, cette partie du corps est très innervée et donc très délicate. C’est pour cette raison que le Prophète a ordonné de ne pas l’enlever, afin que la femme ressente du plaisir. Son mari appréciera alors d’avoir des jeux amoureux faits avec elle (…). Et tout ceci sera la cause de plus d’amour et d’entente entre l’époux et l’épouse. »
(cf: ouvrage ‘Awn ul-ma’bûd sharh sunan Abî Dâoûd)
La limite fixée par le Prophète a donc justement comme objectif que l’épouse ne soit pas privée d’un droit qui lui était déjà reconnu par les sources musulmanes : la satisfaction sur le plan intime. D’ailleurs le droit musulman reconnaît comme cause légitimant le divorce au profit de l’épouse le fait que son mari soit impuissant ou refuse d’avoir des relations intimes avec elle. Nous sommes donc ici exactement à l’opposé de l’objectif poursuivi dans d’autres cultures (priver la femme du plaisir qui lui revient au moment de l’acte intime).
Ce commentaire nous permet de voir que l’islam n’a pas comme objectif que l’homme ait une sexualité épanouie et pas la femme ;
Comme l’a dit ce savant en commentaire des mots du Hadîth, le mari est plus heureux lorsque son épouse vit avec lui une sexualité épanouie ; comment un homme pourrait-il vouloir une ablation du clitoris de la femme afin, au contraire, que celle-ci ne ressente presque plus rien tout au long de sa vie ?
En effet, c’est dans la Sunna que cette question puise sa légitimité basée sur une interprétation de certains hadiths attribués au Prophète (saw). Toutefois, il n’existe aucun texte authentique justifiant un arrêt légal sur une question aussi importante concernant la vie humaine.
Il n’existe aucun texte authentique et explicite qui prouve le caractère obligatoire, ni recommandé, ni même honorifique ou symbolique de la circoncision des femmes. En effet le hadith :
« La circoncision est un acte sunna pour les hommes, et un acte honorifique (makrouma) pour les femmes »
(Rapporté par Ahmed et al-Bayhaqî) est jugé faible pas les spécialistes des sciences du hadith.
Quant au hadith :
« Lorsque le membre circoncis pénètre le membre circoncis, les grandes ablutions deviennent obligatoires »
(Rapporté par at-Tirmidhi et Ibn Majah)
Il signifie simplement que la circoncision des femmes était une pratique connue des arabes avant l’avènement de l’islam et a continué d’exister par la suite, mais ne signifie nullement que le Prophète(saw) l’ait recommandée.
La preuve issue du consensus
Si aucune preuve émanant de la Sunnah ne permet d’établir le caractère obligatoire ou recommandé de cette pratique, y a-t-il une preuve issue du consensus des savants (ijmâ`) ?
Quiconque examine les avis des jurisconsultes sur cette question, que ce soit dans le cadre des écoles juridiques ou en dehors, constatera qu’il n’y a pas d’accord sur une opinion précise en ce qui concerne l’excision. Les uns parlent d’obligation, d’autres de recommandation, et d’autres encore d’une tradition louable pour les hommes et d’un honneur pour les femmes. Il n’y a donc pas de consensus sur cette question.
Mais l’on peut se soustraire à cette divergence par le constat que toutes ces opinions s’accordent sur la permissibilité de l’excision. Car la permissibilité est en-deçà de la recommandation, et en-deçà de l’obligation. Autrement dit, celui qui professe le caractère obligatoire ou recommandé, ne nie pas la permissibilité.
De même, ceux qui y voient un honneur (makrumah) ne sont pas très éloignés de la permissibilité, puisque le sens de « makrumah » renvoie à une chose appréciée d’après les us et coutumes. Les tenants de cette position admettent donc la permissibilité.
Au vu de cela, aucun jurisconsulte ne jugea ce geste illicite ou détestable, ce qui équivaut à dire qu’il est légitime et permis en général selon l’ensemble des savants.
Ce consensus implicite des jurisconsultes, qu’ils soient affiliés ou non à une école juridique, prouve que quiconque pratique l’excision conformément aux modalités décrites dans le hadith (dont l’authenticité fut jugée bonne par certains et faible par d’autres), qui conseille à l’exciseuse de se contenter d’effleurer sans abuser ni exagérer, n’aura rien fait de mal et n’aura pas commis de péché.
Par conséquent, il ne faut pas vilipender toute personne ayant fait exciser ses filles de la manière légale indiquée dans les hadiths qui soutiennent cette pratique et il ne convient pas de qualifier cet acte de « crime barbare » commis au XXIe siècle, à moins qu’il outrepasse les limites juridiques agréées. Ces outre passements peuvent être classés en trois catégories :
- L’ablation de tout ou partie du clitoris au lieu de l’effleurement du prépuce clitoridien, avec pour conséquence la privation de la femme d’une jouissance légitime sans raison valable, ce que l’on appelle communément « l’excision pharaonique » ;
- Le fait de confier cette intervention à des matrones et autres exciseuses ignares, alors que cet acte chirurgical devrait être confié à des femmes médecins compétentes et qualifiées ou, à défaut, à des médecins musulmans qualifiés en cas de nécessité ;
- Le recours à des instruments non stérilisés et inadaptés à cette opération, dans des conditions peu hygiéniques. Il faut faire en sorte que les instruments utilisés soient stérilisés et adaptés à cette opération et qu’elle soit accomplie dans un lieu approprié comme une clinique, un hôpital ou bien un dispensaire. Il faut proscrire les instruments primitifs et les techniques primitives qui ont cours dans les zones rurales.
Si ces trois conditions sont respectées, nul ne pourra alors dire que l’excision est illicite, ni que c’est un crime barbare, notamment si elle est dictée par une raison médicale selon la prescription d’un médecin compétent en la matière.
La preuve par analogie
Peut-on recourir à l’analogie pour prouver le caractère obligatoire ou recommandé de l’excision ? Certains pourraient être tentés par un raisonnement analogique entre la circoncision des hommes et l’excision/circoncision des femmes, dans la mesure où le discours du Législateur s’adresse à l’origine aux deux sexes. Ainsi lorsque Allah (Exalté soit-Il) dit :
« Ô gens » ou « Ô les croyants »
Cela s’adresse aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Aussi, les deux sexes sont concernés de la même manière par les règlements juridiques relatifs au culte et aux transactions, à quelques rares exceptions près qui n’invalident en rien la règle générale.
Par précipitation, certains pourraient avancer un raisonnement analogique entre les femmes et les hommes en matière de circoncision. Car le Prophète (saw) dit :
« Les femmes sont les sœurs germaines des hommes »
(Rapporté par Ahmad)
Et Allah (Exalté soit-Il) dit :
« Leur Seigneur les a alors exaucés : « En vérité, Je ne laisse pas perdre le bien que quiconque parmi vous a fait, homme ou femme, car vous êtes les uns des autres. (…) » »
(Coran 3 verset 195)
Ce verset signifie que l’homme et la femme procèdent l’un de l’autre : elle le complète et il la complète, chacun est indispensable à l’autre, pourquoi alors ne ferait-on pas une analogie entre eux ?
Nous répondons que le raisonnement par analogie doit respecter certaines conditions, à savoir :
- La présence d’une réalité commune aux deux membres impliqués dans l’analogie. Quel est cette réalité dans notre cas ?
- L’absence d’une différence substantielle entre les deux membres impliqués dans l’analogie. Si cette différence existe, on rejettera alors l’analogie pour cause de différence substantielle. Or, il ne fait aucun doute qu’il y a une différence importante entre les hommes et les femmes au plan de la circoncision/excision. Car la circoncision profite aux hommes, tandis que les femmes en pâtissent à plusieurs égards.
- La règle de base interdit de changer la création de Dieu, ou de couper une partie du corps que Dieu a créé. De cette règle a été exclue la circoncision masculine, tout le reste étant régi par cette interdiction originelle, conformément à la règle fondamentaliste : « L’exception est prise en considération mais ne peut faire l’objet d’une analogie. »
Après avoir examiné les preuves générales tirées du Coran, de la Sunnah, du consensus ainsi que du raisonnement analogique, concernant l’excision, il nous reste à examiner deux observations essentielles, que le jurisconsulte doit prendre en compte lorsqu’il examine ce genre de problématiques communément sujettes à des divergences de points de vue entre les spécialistes du droit.
Ces deux observations concernent le retour aux règles juridiques établies par les théoriciens du droit issus des différentes écoles ou aux finalités générales de la législation tirée du Coran et de la Sunna.
Première observation : De la légitimité d’interdire des choses originellement permises en vue de l’intérêt général
L’examen du Coran, de la Sunnah, du consensus des savants et du raisonnement analogique a montré qu’aucune preuve ne peut en être tirée pour justifier le caractère obligatoire ou recommandé de l’excision, pas plus que pour en appuyer le caractère détestable ou illicite. Les savants penchent ainsi unanimement pour l’une des trois caractérisations suivantes : l’obligation, la recommandation ou l’aspect honorifique de l’excision. Ils s’accordent ainsi sur la permissibilité de cette pratique.
Or il est juridiquement admis que parmi les choses originellement permises, certaines peuvent être partiellement ou totalement interdites s’il est démontré qu’elles présentent un caractère nocif ou néfaste. Allah n’a en effet autorisé les choses permises que dans la mesure où elles sont source de facilité et de bien-être pour Ses Serviteurs, disant à cet effet :
« Allah veut vous alléger (les obligations), car l’homme a été créé faible. »
(Coran 4 verset 28)
Si la pratique montre que le recours à des choses originellement permises présente un caractère nocif pour les gens, ou tout du moins pour le plus grand nombre, alors il devient nécessaire d’interdire ces choses, conformément à la règle du
« Ne point être lésé et ne point léser ! »
(Rapporté par Ibn Maja et Ahmad)
Ou alors, sans être interdites, ces choses peuvent être développées et pratiquées de meilleure façon de sorte qu’elles ne présentent plus de caractère nocif. C’est ce qu’indique le hadith :
« Effleure et n’abuse pas. »
(Rapporté par Ahmad)
Ce sujet doit faire l’objet d’études et d’analyses. Si une étude objective, menée par des experts et des spécialistes neutres par une quelconque inclination idéologique, montre que l’excision porte un préjudice avéré ou probable aux filles, alors il faudra faire cesser cette pratique et interdire un acte pourtant originellement permis, et ce, en vertu du principe de précaution contre une situation de préjudices causés et subis.
Notre position, bien que contraire à celles des savants des temps passés, est justifiable, car leur époque ne leur a pas fourni les données et les statistiques dont nous a pourvus la nôtre. Ils reconnaissaient d’ailleurs eux-mêmes que le verdict juridique peut varier en fonction du lieu, de l’époque et du contexte dans lequel il est rendu. Si ce que nous apprenons à ce sujet avait été porté à la connaissance de nos prédécesseurs, ils auraient changé d’avis car ils cherchaient à appréhender la vérité où qu’elle se trouve. Si en revanche, une nécessité médicale, établie par des spécialistes en la matière, justifie le recours à l’excision pour certaines filles, alors cette nécessité doit demeurer exceptionnelle et ne doit servir de motif à cet acte chirurgical que dans l’intérêt de la personne.
Si certains jurisconsultes, ainsi que certains médecins, sont favorables à l’excision des filles, par crainte de l’éveil de leur libido à l’adolescence ou à l’âge adulte, et de crainte que cet éveil ne les fasse plus ou moins sombrer dans le péché, alors nous répondons qu’il est juridiquement admis par les spécialistes du droit que le principe de précaution ne peut être invoqué à tout bout de champ, tout comme ne peuvent être invoquées à tout bout de champ non plus les solutions de facilité.
Seconde observation : Des règles qui régissent la logique du juriste face au problème de l’excision
La seconde observation montre que l’excision, est bâti sur plusieurs règles, jugées être des règles non négociables. A savoir :
– La création de Allah doit demeurer telle quelle et ne doit pas être modifiée ; Le Très Haut ayant
« Excellé dans tout ce qu’Il a créé »
(Coran 32 verset 7)
La création est décrite par le texte coranique comme
« L’œuvre de Allah, qui a tout façonné à la perfection »
(Coran 27 verset 88)
Dieu – Exalté soit-Il – ne créant rien de manière vaine ou inutile :
« (…) Notre Seigneur ! Tu n’as pas créé cela en vain. »
(Coran 3 verset 191)
C’est pour cette raison que la modification de la création d’Allah est considérée comme une œuvre du diable et comme l’une de ses ruses pour égarer les hommes :
« Je les égarerai, je leur inspirerai de faux espoirs, je les enjoindrai et ils fendront les oreilles des bestiaux, je les enjoindrai et ils changeront la création de Allah (…) »
(Coran 4 verset 119)
Dans les hadiths prophétiques authentiques, la malédiction est jetée contre toutes celles qui modifient la création de Dieu. Certains Compagnons avaient ainsi demandé au Prophète (saw) s’ils pouvaient s’émasculer afin de préserver leur chasteté et de garantir la maîtrise de leur instinct charnel. Le Prophète (saw) le leur a interdit. (Rapporté par Al-Bukhâri)
Cette règle fondamentale et unanimement admise étant établie, il apparaît en conséquence que l’excision des femmes ou l’ablation d’une partie de leur corps sans justification médicale est un acte qui n’est pas permis et qui est donc illégal.
– Si l’ablation de cette partie du corps de la femme est source de souffrances physiques et morales, ou si elle la prive d’un droit naturel tel que le droit à la jouissance et à la satisfaction sexuelle avec son mari. Un droit que Allah a accordé aux femmes dans leur prime nature, en tant que représentantes du genre humain. Alors, un tel acte est juridiquement prohibé, car il constitue un préjudice à l’encontre des femmes, qu’elles doivent subir à leur insu. Or, l’islam interdit de subir le préjudice ou de le causer. C’est pourquoi figure parmi les règles juridiques communément admises par les jurisconsultes le principe « Ne point être lésé et ne point léser ! », qui est en réalité un hadith authentifié par les savants dans ses différentes variantes, et qui est une application concrète de l’ensemble des dispositions coraniques interdisant de causer ou de subir des préjudices.
– La circoncision des garçons a été exclue des considérations précédentes, en vertu de preuves juridiques manifestes, à l’authenticité avérée et à la signification explicite. La circoncision compte en effet parmi les règles d’hygiène de la prime nature de l’homme, et est un héritage abrahamique. De surcroît, la circoncision est un rite islamique, à l’instar de l’appel à la prière ou de la prière des deux Fêtes, faisant l’objet du consensus des Musulmans depuis l’aube de l’islam jusqu’à nos jours. Nous n’avons connaissance d’aucun peuple, d’aucune contrée ni d’aucune tribu qui se soit distingué de cette règle. Ce rite est d’ailleurs confirmé par l’ensemble du corps médical contemporain qui reconnaît les bienfaits sanitaires, médicaux et physiologiques de la circoncision, ainsi que son rôle dans la prévention de nombreuses maladies, telles que le cancer. (Cf : L’Organisation Mondiale de la Santé reconnaît et préconise depuis 2007 la circoncision comme une intervention permettant de prévenir l’infection au virus du SIDA.)
Il est donc hors de question de remettre en cause la circoncision masculine, car c’est un acte unanimement reconnu pour sa légalité et ses bienfaits, aussi bien par les juristes que par les médecins. La seule recommandation à ce sujet est qu’il soit opéré par des médecins spécialisés, avec des outils modernes, dans des endroits appropriés, loin des pratiques qui ont toujours cours dans de nombreux pays musulmans, et qui ne respectent pas les règles d’hygiène.
– Si la circoncision masculine fait figure d’exception à la règle générale qui interdit de modifier la création de Dieu, en vertu des textes authentiques et explicites qui y font référence, soutenus par le consensus théorique et pratique des Musulmans, l’excision des filles ne bénéficie pas d’un tel statut, ni peu ni prou. Elle doit donc être renvoyée à la règle générale qui interdit de causer de la douleur à un être humain sans motif, a fortiori lorsque cette douleur est source d’un préjudice avéré, comme l’affirment la science et la médecine contemporaines.
L’avis de la médecine et de la science au sujet de l’excision
La tendance à faire interdire l’excision est confortée par les mises en garde des médecins contemporains, avec au premier plan les gynécologues et les sexologues, qui affirment que l’excision est la plupart du temps néfaste pour les femmes, les privant d’un plaisir sexuel légitime qui représente le sommet de la jouissance qu’elles peuvent tirer de leurs époux.
Certains médecins ont par ailleurs démontré que l’excision peut avoir des effets pervers au plan sanitaire, psychologique, sexuel et social. La médecine affirme ainsi :
« Biologiquement parlant, on sait que les terminaisons nerveuses des organes sexuels chez la femme sont localisés dans le clitoris, de même que ces terminaisons nerveuses sont localisés dans le gland chez l’homme. L’excision communément pratiquée par les exciseuses consiste à couper le clitoris, et parfois à couper tout ou partie des lèvres. .
(Avis du docteur Ahmad Shawqî Al-Fanjarî)
Les sociologues sont aujourd’hui unanimes pour dire qu’il n’y a d’autre espoir pour éradiquer la consommation de drogues dans le monde musulman qu’en éradiquant définitivement la pratique de l’excision des filles.
Nous ne devons par ailleurs oublier que l’excision a des conséquences sanitaires et médicales autres que son influence sur la vie sexuelle de la femme. Les exciseuses sont en effet des personnes ignorantes : la blessure peut s’enflammer et s’infecter ; l’infection peut se propager jusqu’à l’utérus et aux trompes de Fallope, ce qui peut entraîner pour la fillette une stérilité permanente. En outre, après l’ablation des lèvres, de nombreuses exciseuses demandent à la jeune fille de serrer les jambes, ce qui peut mener à une coalescence des nymphes et à un rétrécissement de l’entrée du vagin, conduisant à leur tour à des complications lors d’un accouchement ultérieur, lesquelles complications peuvent conduire à pratiquer un clivage vésico-vaginal pour éviter l’asphyxie de l’enfant.
Tout ceci n’est qu’un bref aperçu des nombreux préjudices causés par cette pratique hideuse. »
D’aucuns peuvent rétorquer que les fléaux énumérés par les médecins et les sociologues ne sont pas le fait de l’excision légale mentionnée dans le hadith « Effleure et n’abuse pas ! », mais plutôt le résultat d’une excision qui outrepasse les règles, et qui a pour conséquence de priver la femme de son droit à jouir d’un plaisir sexuel légitime une fois mariée. C’est ce dernier type d’excision qui a aujourd’hui cours dans de nombreuses familles d’Egypte et du Soudan, où l’on pratique l’excision dite pharaonique qui défigure les organes sexuels de la femme. L’exciseuse coupe pour ainsi dire presque tout au contraire de la recommandation du hadith prophétique : elle opère une ablation quasi-totale du clitoris et des petites et grandes lèvres, ce qui conduit au phénomène dit de coalescence, qui correspond à un rapprochement des nymphes qui finissent à terme par se souder.
Ces objections et d’autres encore pourraient être émises, mais les lois sont déterminées en fonction des besoins de la grande majorité de la population. S’il est avéré que la majorité des femmes souffre de l’excision, alors il n’y a rien qui empêche de l’interdire, sauf cas exceptionnel laissé à l’appréciation des médecins spécialisés. Car dans ce dernier cas, les nécessités médicales ont leur propre traitement juridique que notre Législation réaliste et pragmatique ne saurait ignorer.
Cette question de l’excision n’est donc pas figée et il faut sensibiliser les gens à ce problème à deux niveaux complémentaires : une sensibilisation religieuse et une sensibilisation médicale. Une orientation religieuse et sanitaire claire peut permettre de se passer de légiférer et de contraindre les gens par la loi.
En conclusion, la circoncision des femmes n’est ni obligatoire ni recommandée ni honorifique ou symbolique, c’est une pratique qui existait avant l’avènement de l’islam et a continué après son avènement en raison de la norme sociale de l’époque. Mais à l’instar de toute chose licite, elle peut devenir illicite si un mal en résulte conformément au hadith
« On ne se nuit pas et on ne cherche pas à nuire »
(Rapporté par Malik, Ahmed, Ibn Majah et ad-Daraqotni).
Et Allah demeure le Plus Savant !!!!
Sur ce, Que la Paix de Dieu soit sur vous et vous accompagne partout où vous êtes.