Les Récits de la Tradition

Un Palmier Pour le Paradis

(D’après un hadith rapporté par at-Tabarànì et Abù Ya’la, avec une chaîne de narration authentique. )

Du temps du Prophète (saw) vivait un jeune garçon qui avait perdu ses deux parents. Ces derniers ne lui avaient rien laissé, si ce n’est un petit lopin de terre. Pour ne pas avoir à vivre de la charité des gens, le jeune garçon voulait se prendre en main et profiter de cet héritage pour subvenir à ses besoins. Il décida alors de protéger sa parcelle en construisant un mur tout autour. Cela l’occuperait et lui éviterait de trop penser à sa tristesse. Alors, rapidement, il s’attela à la tâche : il réunit ce qu’il lui fallait (pierres, ciment et outils) et commença son ouvrage sans attendre.

Son cœur semblait plus léger par le seul fait de construire ce mur. Pour lui, réaliser cette tâche revenait à préserver le patrimoine de ses parents, et cela lui réchauffait le cœur. Il redoublait d’ardeur et semblait heureux de voir son travail avancer, mais au bout d’un moment, il s’aperçut que le palmier de la propriété adjacente l’empêchait d’avancer plus loin dans la construction. Il se rendit donc dans la maison voisine qui appartenait à un homme appelé Abû Lubâba ; il frappa à la porte et, après les salutations d’usage, il demanda à son propriétaire :

Je voudrais construire un mur mais l’emplacement de ton arbre ne me le permet pas. Voudrais-tu me le céder ?

Abû Lubâba refusa catégoriquement. Alors le jeune orphelin lui dit :

Dans ce cas, vends-le-moi !

Mais là encore, Abû Lubâba refusa, ce qui attrista beaucoup le jeune orphelin qui trouva cela injuste.

Il ne comprenait pas : Abû Lubâba avait de nombreux palmiers dans sa propriété ; le fait de se défaire d’un seul d’entre eux ne le rendrait pas plus pauvre. Il ne s’en rendrait sûrement même pas compte, ce qui révolta davantage notre orphelin, À bout d’arguments, et après de nombreuses propositions, le jeune garçon n’eut d’autre choix que de dire :

Si tu ne veux ni me le donner ni me le vendre, alors j’irai me plaindre au Prophète !

Sans attendre davantage, il alla donc voir le Prophète (saw). Après l’avoir salué, il lui dit :

Messager de Dieu, je voudrais protéger le terrain que mes parents m’ont légué à leur mort. Mais un palmier qui appartient à Abû Lubâba entrave l’avancement du mur que je construis, et ce dernier ne veut ni me le donner ni me le vendre.

Le Prophète (saw) vit bien la détresse dans les yeux du jeune garçon, alors il décida d’intervenir et demanda à ses compagnons :

Où est Abû Lubâba ? Allez me le chercher !

Quand ce dernier arriva, le Prophète (saw) lui dit :

Abû Lubâba, donne ton palmier à ce jeune garçon. Tu sais combien il lui est indispensable. Il en a plus besoin que toi et tu ferais ainsi un grand bien.

Mais Abû Lubâba refusa en disant :

Non, Messager de Dieu. C’est mon bien, je ne le lui donnerai pas !

Alors vends-le-lui !, insista le Prophète.

Mais là encore il refusa. Les témoins qui assistaient à la scène ne surent que faire devant l’entêtement d’Abû Lubâba et furent désemparés surtout lorsqu’ils virent que des larmes commencèrent à couler des yeux de l’orphelin.

En voyant la tristesse de l’enfant, le Messager de Dieu (saw) dit :

Si tu lui donnes ton palmier, je te promets un palmier au Paradis.

Mais Abû Lubâba répondit : « Je refuse. » Et il se leva pour partir, visiblement offensé de la situation dans laquelle il avait été mis.

Parmi les gens de l’assistance, se trouvait Abû Dahdah, un croyant généreux originaire de Médine qui s’était converti il y a peu. Il avait assisté à toute la scène et fut très ému du sort de l’orphelin, mais voir la contrariété envahir le visage du Prophète (saw) le révulsa tout autant. Il se dit que Dieu ne devait pas apprécier de voir quiconque provoquer la contrariété de Son Messager et faire couler les larmes d’un orphelin, fût-il dans son droit. Et comment refuser un tel cadeau de Dieu ? Un palmier au Paradis…

Les musulmans ne consacrent-ils pas leur vie pour atteindre ce destin glorieux, le fait que Dieu Créateur de toute chose leur offre une parcelle de la terre bénie du Paradis ? Abû Dahdah se mit à rêver d’avoir une telle opportunité : celle de s’offrir ne serait-ce qu’un arbre du Paradis. Ce serait pour lui la garantie d’une vie éternelle heureuse.

Alors, sans réfléchir davantage, Abû Dahdah s’approcha du Prophète (saw) et lui demanda :

Prophète, si je parviens à te donner ce palmier, me feras-tu à moi aussi la promesse d’un palmier au Paradis ?

Le Prophète esquissa un sourire. Il comprit immédiatement l’intention d’Abû Dahdah et sans dire un mot, d’un geste de la tête, mais avec la profondeur de son regard, il acquiesça.

Abû Dahdah n’était pas connu seulement pour sa gentillesse à Médine. Il était aussi connu pour la palmeraie qu’il possédait : un jardin de quatre mille palmiers, de ruisseaux abondants, un endroit magnifique où les plus beaux oiseaux venaient y faire leur nid. Il n’existait pas de plus beau domaine à Médine.

Abû Dahdah y avait d’ailleurs construit sa propre maison. Et tout le monde l’enviait pour cela, y compris Abû Lubâba. Sûr de son affaire, Abû Dahdah rattrapa Abû Lubâba et lui dit :

Abû Lubâba, connais-tu ma palmeraie ?

Bien sûr, répondit Abû Lubâba. Qui à Médine ne la connaît pas ?

Alors Abû Dahdah lui dit alors :

Sache que, si tu es d’accord, cette palmeraie est à toi en échange de ton palmier.

Pensant qu’il se moquait de lui, Abû Lubâba lui demanda avec étonnement :

Es-tu sûr de toi Abû Dahdah?

Je le suis, affirma Abû Dahdah, déterminé.

Alors Abû Lubâba prit les gens à témoin de ce fructueux échange puis partit, heureux d’une si belle transaction.

Mais, des deux hommes, Abû Dahdah était bien plus heureux. Rien de ce qu’il avait perdu ne venait entamer la joie de ce qu’il venait de gagner, ni l’abondance des récoltes, ni l’ombre des palmiers, ni la fraîcheur des rivières. Sans attendre, il retourna auprès du Prophète (saw) pour lui faire part de la nouvelle. Le regard du Messager de Dieu brilla d’une reconnaissance telle que cela suffit à combler de bonheur Abû Dahdah. Le Prophète (saw) remercia chaleureusement son noble compagnon, puis il se tourna vers l’orphelin et lui dit :

Le palmier est à toi, mon enfant. Tu peux terminer ton enceinte. Tu ne seras plus inquiété !

Cette nouvelle rendit aussitôt le sourire à l’enfant qui remercia le Prophète (saw) et s’en retourna vers son lopin de terre pour finir son travail.

De son côté, Abû Dahdah ne tarda pas non plus. Il prit respectueusement congé du Messager de Dieu (saw) puis se précipita chez lui. Arrivé devant l’entrée de son jardin, il prit soin de ne pas mettre un pied dans l’enceinte de la propriété et appela son épouse :

Umm Dahdah !

Oui, mon époux. Qu’y a-t-il ?, répondit-elle.

Abû Dahdah devait annoncer ce qu’il venait de se passer à sa famille, notamment à son épouse. Sur la route, il s’était demandé comment lui dire les choses. Il avait certes quelque inquiétude sur sa réaction, mais il espérait qu’elle saurait considérer la belle promesse que le Messager de Dieu (saw) lui avait faite.  Il lui répondit :

Je te demande de me faire confiance et de faire ce que je te dis, car je l’ai fait pour que Dieu soit Satisfait de nous. Alors, chère épouse, sors de ce jardin car je l’ai vendu ainsi tout ce qu’il contient à Dieu et Son Messager.

En entendant ces mots, la noble musulmane ne se mit pas en colère. Elle avait épousé Abû Dahdah pour son caractère et sa douceur ; aujourd’hui, elle l’aimait et l’admirait pour le musulman qu’il était devenu. Elle lui sourit et rétorqua avec engouement :

Quelle belle affaire as-tu fait là !

Sans rien emporter avec elle, elle prit alors ses enfants et sortit pour la dernière fois de leur demeure. Dans le jardin, le dernier de ses fils prit une datte de la récolte et la porta à sa bouche pour la manger mais sa maman lui prit la main, reprit la datte et la reposa dans le jardin en lui disant :

Laisse cette datte, mon enfant ! Elle n’est pas à nous. Elle appartient désormais à Allah, mon fils.

Dénuée pour la première fois de la moindre richesse, la petite famille alla trouver une demeure bien plus modeste. Certes ils étaient plus pauvres, mais ils étaient heureux d’avoir satisfait Dieu. Ils vécurent ainsi simplement, sans plus jamais remettre les pieds dans la palmeraie.

Quelque temps plus tard eut lieu la bataille d’Uhud dans laquelle nombre de musulmans avaient succombé. À l’issue de l’affrontement, le Prophète (saw) marcha parmi les corps des martyrs, reconnaissant chacun d’eux et priant pour la paix de leur âme. Il était triste de voir ses compagnons, ses amis, gisant ainsi dans la poussière et dans le sang. Puis, à un moment, alors qu’il déambulait parmi les nobles martyrs, il trouva le corps d’Abû Dahdah, et il se souvint avec émotion du sacrifice qu’il avait consenti pour le bonheur d’un orphelin. Une palmeraie contre un seul palmier… Une vie de luxe délaissé pour recevoir la promesse du Prophète (saw)…

Ce dernier s’approcha alors du corps et s’agenouilla près de lui. Sa compassion était telle que son regard s’embua de larmes. Il lui caressa doucement les cheveux, et il lui murmura alors à l’oreille :

Combien de palmiers as-tu désormais au Paradis, Abû Dahdah ?

Oui, Abû Dahdah devait certainement jouir de la pleine récompense de ce qu’il avait fait pour satisfaire Dieu et Son Messager. Qu’Allah soit Satisfait d’Abû Dahdah

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