Le Prophète Muhammad (saw) – Partie 6
L’émigration Vers l’Abyssinie
La Première Vague d’Emigration vers l’Abyssinie
Les diverses mesures visant à stopper la prédication islamique n’ayant pas fonctionné, la cruauté des Qurayshites s’intensifia jusqu’à atteindre un niveau insupportable pour les musulmans.
Voyant ce que ses compagnons subissaient comme épreuve, et n’étant pas en mesure de les protéger, le prophète (saw) leur suggéra de quitter le territoire pour se rendre en Abyssinie, et y demander l’asile chez son roi, le Négus, qui protégeait les faibles et n’opprimait personne, en attendant qu’Allah apporte un soulagement et une échappatoire à leur situation.
Cinq années après le début de la prophétie, onze hommes et quatre femmes parmi lesquels ‘Uthmân Ibn ‘Affân, sa femme Ruqayyah : une des filles du messager (saw) d’Allah, ‘Abdurrahmân Ibn cAwf, ‘Uthmân Ibn Mazh’ûn, Az-Zubayr Ibn Al’Awwâm et ‘Abdullah Ibn Mas’ûd, émigrèrent en Abyssinie. Ils se faufilèrent secrètement hors de La Mecque, gagnèrent la Mer Rouge puis embarquèrent sur un bateau qui les mena à destination. Cependant, ils ne resteront là-bas que quelques mois. En effet, quand vint à leurs oreilles que les musulmans restés à La Mecque s’y étaient renforcés et demeuraient désormais en sécurité, renforcés par les conversions de Hamzah Ibn ‘Abdil_Muttalib et de ‘Umar Ibn Al-Khattâb, ils prirent la décision de rentrer chez eux.
La Conversion de Hamza Ibn ‘Abdil Muttalib
Nous avons vu précédemment que la première émigration musulmane eut lieu vers l’Abyssinie en l’an 5 après la prophétie et que peu après, d’importantes personnalités mecquoises telles Hamzah Ibn ‘Abdil_Muttalib et ‘Umar Ibn Al-Khattâb se convertirent à l’Islam.
La conversion de ces deux grandes figures de Quraysh viendra renforcer la prédication islamique et sera d’un grand soutien pour le messager et les musulmans.
La cause directe de la conversion de Hamzah est qu’un jour, on vint l’informer qu’Abû Jahl avait insulté le prophète (saw) et lui avait tenu des propos forts désobligeants. Apprenant cela, Hamzah, qui aimait énormément son neveu, fut pris d’une grande colère et partit sur-le-champ à la rencontre d’Abû Jahl, qu’il trouva assis avec un groupe de qurayshites près de la Kacbah. Il se rua vers lui et l’interpella de la sorte :
« Comment oses-tu insulter Muhammad alors que moi-même je suis sur sa religion ? »
Il le frappa ensuite avec son arc le blessant grièvement et le défia de recommencer cela.
Voici donc en résumé la genèse de la conversion de Hamzah. Ce dernier fera ensuite une promesse au messager (saw) : de le secourir et de se sacrifier dans le sentier d’Allah. Promesse tenue, Hamzah tombera effectivement en martyr à la bataille d’Uhud.
La Conversion de ‘Umar Ibn Al-Khattâb
‘Umar Ibn Al-Khattâb, quant à lui, fut dans les tous premiers temps de la prédication islamique l’un des pires ennemis de l’Islam et des musulmans. Un jour, il entreprit même d’aller tuer le prophète (saw) mais Allah ouvrira son cœur à l’Islam. Un jour qu’il prit son épée et sortit mettre son projet à exécution, il tomba en chemin sur l’un de ses compagnons. Ayant appris son intention, ce dernier lui fit comprendre qu’il valait peut-être mieux qu’il commence par sa propre sœur Fâtimah qui, avec son mari Sa’îd Ibn Zayd, s’était convertie et avait suivi Muhammad (saw).
En entendant cela, le sang de ‘Umar ne fit qu’un tour et il se prit de colère envers sa sœur et son mari. Il alla de ce pas chez eux leur demander des comptes, il frappa d’abord Sa’îd puis sa sœur allant même jusqu’à faire saigner son visage. Mais en un instant, son attitude s’inversa. Voyant le sang couler sur le visage de sa soeur, il fut pris de remords et sa colère le quitta peu à peu. Il aperçut ensuite une feuille que Khabbâb Ibn Al-Aratt lisait, voulut s’en emparer, mais ils lui demandèrent de se purifier avant. ‘Umar s’exécuta puis il écouta quelques versets de la sourate Tâ-Hâ.
À ce moment, un changement bouleversant se produisit dans la vie de ‘Umar. Il décida d’aller chez le prophète (saw), mais cette fois non plus pour le tuer, mais pour se convertir. Il se rendit donc à l’endroit où se trouvaient le prophète (saw) et ses compagnons et proclama sa conversion à l’Islam.
Tout comme celle de Hamzah, la conversion de ‘Umar viendra comme un secours à la prédication islamique.
La Seconde Vague D’Emigration vers l’Abyssinie
Les persécutions des Qurayshites gagneront en brutalité et les actes se feront d’autant plus fréquents. Un an après le premier flux d’émigration en Abyssinie, beaucoup de ceux qui étaient partis là-bas la première fois songèrent à y retourner. De plus, d’autres désiraient désormais les y accompagner.
Au final, quatre-vingt-trois hommes et onze femmes prirent cette fois le chemin de l’exil.
Arrivés à bon port, ils s’installèrent ce coup-ci durablement et ne quitteront d’ailleurs l’Abyssinie qu’après que les musulmans de La Mecque auront émigré à Médine.
Quraysh, de son côté, fut gagnée d’inquiétude par l’exode de ce grand nombre de musulmans en Abyssinie, et redouta les conséquences fâcheuses que ce phénomène risquait d’avoir. Elle envoya alors deux émissaires, ‘Amr Ibn Al-‘Âs et ‘Abdullah Ibn Rabî’ah, munis de précieux présents destinés au Négus ainsi qu’aux dignitaires de sa cour, réclamer que les musulmans exilés chez lui, leur soient rendus. Mais lorsque le Négus apprendra les mensonges de Quraysh à l’encontre des musulmans et la véracité du message du prophète (saw) et le fait qu’il est bel et bien un prophète envoyé par Allah, il rejettera la requête des Mecquois.
Le Dialogue entre le Negus et Ja’far Ibn Abi Talib
Nous avons également vu précédemment que Quraysh avait dépêché deux émissaires, ‘Amr Ibn Al-‘Âs, et ‘Abdullah Ibn Abî Rabî’ah, chez le Négus dans le but de le convaincre de renoncer à la protection des musulmans exilés et refugiés chez lui afin que ces derniers puissent être rapatriés à La Mecque où persécutions et supplices les attendaient. Les deux Qurayshites offrirent des présents au Négus ainsi qu’à à sa cour, puis lui dirent :
– « Ô roi, de jeunes imbéciles qui ont abandonné la religion de leur peuple sans pour autant adopter la tienne sont venus chez toi. Ils sont venus avec une religion qu’ils ont inventée, et que ni toi ni nous ne connaissons. »
Et ils prièrent le Négus de les expulser.
– « Je ne les expulserai pas avant de les avoir entendus » répliqua le Négus.
Il fit donc venir les émigrés et les questionna sur cette religion qu’ils avaient adoptée. Ja’far Ibn Abî Tâlib, qui parlait leur langue, prit la parole :
– « Ô roi » dit-il, « Nous étions un peuple ignorant, nous adorions des statues, mangions la charogne, pratiquions la turpitude, rompions les liens de parenté, nous nous comportions mal avec le voisin et le fort parmi nous mangeait le faible. Nous étions dans cette état jusqu’à ce qu’Allah nous envoie un messager issu des nôtres dont nous connaissons la lignée ainsi que la véracité, la loyauté et la chasteté. Il nous appela à Allah, à L’unifier et à L’adorer, de même qu’à délaisser les pierres et les idoles que nous et nos ancêtres avions coutume d’adorer en dehors de Lui. Il nous commanda de parler vrai, de tenir ses responsabilités, de préserver les liens de parenté, d’être bon avec le voisin et de délaisser les péchés ainsi que le meurtre. Il nous interdit la turpitude ainsi que le faux témoignage, de manger les biens des orphelins, de calomnier les femmes chastes et nous ordonna d’adorer Allah et de ne rien Lui associer, d’accomplir la prière, de s’acquitter de la Zakat et de jeûner. Nous l’avons donc cru et avons eu foi en lui. Nous l’avons par conséquent suivi dans ce qu’il a apporté venant d’Allah. »
– « As-tu avec toi quelque chose que ton messager a apporté venant de Dieu ? » Demanda le Négus.
– Ja’far répondit par l’affirmative.
– « Lis-le-moi donc » ordonna le Négus.
Ja’far s’exécuta en lisant quelques versets de la sourate « Maryam ». En entendant cela, le Négus se mit à pleurer à chaudes larmes, il pleura tellement qu’il en mouilla sa barbe. Il refusa catégoriquement d’abandonner les émigrants et renvoya les deux émissaires dépités.
Quraysh Boycotte les Banu Hashim et les Banu Al-Muttalib
Après cet échec diplomatique, la crainte que l’Islam ne se répande et que le nombre de ses adeptes ne croisse s’amplifia chez les qurayshites.
Ses dirigeants songèrent donc à une nouvelle arme qui leur permettrait de combattre ce qu’ils considéraient être un grand danger : le boycott ; qui consistait à couper les vivres aux musulmans et n’entretenir aucun lien de quelque nature que ce soit avec eux. Ils s’accordèrent donc à boycotter totalement les clans de Banû Hâshim et Banû Al-Muttalib. Ainsi, ils n’allaient pas épouser leurs filles, ne commerceront pas avec eux, ne se mélangeront pas à eux, ne consentiront à aucun accord de paix et ne manifesteront aucune pitié à leur égard tant qu’ils n’accepteraient pas de leur livrer le messager d’Allah (saw) pour qu’il soit exécuté.
Les chefs de Quraysh ratifièrent ce décret sur un document qu’ils accrochèrent à l’intérieur de la Ka’bah, afin de s’assurer qu’il sera bien respecté et pour que la violation et le non-respect de ce dernier soient considérés comme une atteinte à la croyance même héritée de leurs ancêtres.
Aussi, les deux clans, qui comptaient Muhammad (saw) dans leurs rangs, partirent s’installer sur une petite vallée située en dehors de La Mecque : « Le sentier d’Abû Tâlib ».
Le boycott durera trois longues années durant lesquelles les deux clans endureront une épreuve et une misère si grandes que ces pauvres malheureux en seront réduits à manger les feuilles des arbres. Malgré cela, ils feront preuve d’une patience remarquable et supporteront cette épreuve sans que leur détermination s’atténue.
Par bonheur, la délivrance arriva. Certains chefs de Quraysh – dont Hishâm Ibn ‘Amr, Zuhayr Ibn Umayyah, Al-Mut’im Ibn ‘Adî, Abû Al-Buhturî Ibn Hishâm et Zam’ah Ibn Al-Aswad – estimèrent en effet que ce boycott était une infamie que l’on n’avait pas le droit de taire et furent peinés de la situation des deux clans. Ils appelèrent donc à dénoncer ce pacte injuste et
Al-Mut’im Ibn ‘Adî alla déchirer le feuillet sur lequel il était inscrit.
C’est ainsi que le boycott prit fin, que les Banû Hâshim et les Banû Al-Muttalib purent enfin retourner à La Mecque et côtoyer ses habitants. Le prophète (saw) reprit alors son prêche au sein des Mecquois, sans oublier les autres tribus arabes qui, particulièrement pendant la période du pèlerinage, se rendaient à La Mecque.
L’Année du Chagrin
Quelques mois à peine s’étaient écoulés après que le pacte d’ostracisme fut dénoncé – entraînant la fin de la crise du boycott – que le prophète (saw) fut frappé, dans la même année, par le décès de son oncle Abû Tâlib, ainsi que par celui de son épouse Khadîjah. Le messager d’Allah (saw), de même que les musulmans, en furent extrêmement attristés, car chacune de ces deux personnalités avait une grande influence sur le soutien de la prédication et la défense de l’Islam.
Abû Tâlib en effet, bien qu’il soit mort en polythéiste, fut d’un grand secours pour Muhammad (saw). Jamais il ne cessera de le protéger, même dans les moments les plus critiques et les crises les plus dures, au point que le messager (saw) lui-même déclarera :
« Par Allah, Quraysh ne me fit subir aucun mal jusqu’à ce qu’Abû Tâlib ne décède ».
Quant à Khadîjah, ce que l’envoyé d’Allah dira d’elle en présence de ses autres épouses suffit amplement pour la décrire :
« Elle a eu foi en moi quand les gens ont mécru, elle m’a cru quand les autres m’ont traité de menteur et m’a réconforté avec ses biens quand ils m’en ont privé ».
Pour toutes ces raisons, l’année où ces deux personnalités s’éteignirent fut qualifiée « d’année du chagrin ». Le nombre de soucis et de moments de tristesse qu’avait connus le prophète pendant cette année était de fait énorme. C’était la dixième année depuis le début de la prophétie.
Le Messager a At-Ta’if
À la mort de son oncle et de sa noble épouse, l’espoir des Qurayshites de capturer le messager (saw) s’accrut, et ils se déchaînèrent sur lui. Ceci sera l’une des principales causes qui le pousseront à partir pour At-Tâ’if à la recherche de quiconque serait susceptible de secourir sa prédication, peut être trouverait-il au sein de la tribu de Thaqîf quelqu’un qui le soutiendra.
Malheureusement, les chefs de Thaqîf étaient encore pires. Leur réponse à l’invitation du messager (saw) sera d’inciter leurs esclaves et leurs simples d’esprit à l’insulter et à lui lancer des pierres.
En ces heures extrêmement pénibles, le messager (saw) se tourna vers Allah et L’implora en ces termes :
« Allah c’est à Toi que je me plains de ma faiblesse, de mon manque de savoir-faire et du dédain des gens à mon encontre. Ô Toi le plus Miséricordieux, Tu es le Seigneur des faibles et Tu es mon Seigneur. À qui me confieras-Tu ? À quelqu’un d’éloigné qui me prendra à partie, ou à un ennemi que Tu auras fait maitre de mon cas ? Tant que Tu n’es pas en colère contre moi, alors je ne m’en fais pas… »
Après cette désillusion, le prophète retournera à La Mecque, mais ne pourra y entrer que sous la protection d’un de ses notables, Al-Mut’im Ibn ‘Adî.