Le Lépreux, Le Teigneux et L’aveugle
(Rapporté par Abou Hurayrah dans les 2 sahihs de Boukhâri et Muslim)
Parmi les Enfants d’Israël, il y avait trois hommes : un lépreux, un teigneux et un aveugle. Dieu connaissait leurs souffrances et leur peine, la maladie, les difficultés et le mépris des hommes. Mais Il voulut les éprouver pour voir combien leur foi en leur Seigneur était forte.
Il envoya d’abord un ange sous forme humaine au lépreux qui lui demanda :
– Quel est ton souhait le plus cher ?
– Ce que j’aimerais le plus, répondit le lépreux, ce serait d’avoir un beau teint et une peau saine. Je voudrais enfin me débarrasser de ce qui suscite la répulsion des gens.
L’ange passa alors sa main sur le corps du lépreux qui retrouva immédiatement un beau teint et une peau saine. L’homme n’en crut pas ses yeux et ne sut que dire. Cela faisait si longtemps qu’il ne s’était pas vu ainsi qu’il se reconnut à peine. Mais l’ange l’interrompit dans sa réflexion et lui demanda :
– Quelle sorte de biens aimerais-tu avoir ?
L’homme, visiblement intéressé, répondit d’emblée :
– J’aimerais avoir des chameaux.
L’ange lui donna aussitôt une chamelle sur le point de mettre bas et, avant de prendre congé, il fit cette prière :
« Puisse Dieu te la bénir ! »
Puis il partit, aussi furtivement qu’il était venu.
L’ange partit ensuite à la rencontre du teigneux. Il lui demanda :
– Quel est ton vœu le plus cher ?
Dans un désespoir total, l’homme se surprit à rêver et dit
– Que j’aimerais avoir une belle chevelure et que cesse enfin ce qui suscite le dégoût des gens à mon égard !
Par la grâce de Dieu, l’ange passa sa main sur la tête du teigneux, et voilà que ses cheveux devinrent soyeux et abondants. L’homme ne sut que dire. Son rêve se réalisait enfin.
Mais l’ange l’interrompit dans sa rêverie et lui demanda :
– Quelle sorte de biens aimerais-tu acquérir ?
L’homme n’hésita pas un instant :
– Je veux des bovins !, répondit-il avec empressement.
Dieu lui accorda alors une vache sur le point de mettre bas, et l’ange repartit aussi vite qu’il était venu, non sans dire avant de prendre congé :
« Puisse Dieu te la bénir ! »
Enfin l’ange se rendit auprès de l’aveugle et, comme pour les deux autres infortunés, il lui demanda :
– Quel est ton souhait le plus cher ?
– J’aimerais, répondit l’aveugle, que Dieu, s’Il y consentait, me rende la vue afin que je puisse voir Sa création.
L’ange lui passa la main sur les yeux et Dieu lui rendit aussitôt la vue. L’homme put enfin voir ce qui lui était jusqu’alors inconnu : les couleurs, les plaines et les rivières, les oiseaux et tout ce qui l’entourait. Il était émerveillé de tant de beauté et il contemplait avec tant de plaisir qu’il entendit à peine l’ange lui demander :
– Quelle sorte de biens aimerais-tu acquérir ?
Reconnaissant, l’homme osa répondre à tant de faveurs en disant :
– J’aimerais avoir des moutons.
Et combien de prophètes et d’hommes sages furent bergers de leur vivant… Dieu lui donna alors une brebis avec son agneau.
Les trois hommes étaient comblés : les deux premiers virent leurs bêtes se multiplier ; quant au troisième, sa brebis donna naissance à plusieurs agneaux. Rapidement, le premier posséda une vallée pleine de chameaux, le second une vallée pleine de vaches et le dernier une vallée pleine de moutons.
Mais l’heure de l’épreuve était venue… Quelque temps plus tard, l’ange revint rendre visite au premier homme, celui qui avait été lépreux. Et, comme pour lui rappeler son ancienne condition, il se présenta à lui sous l’apparence d’un lépreux Marchant avec difficulté, la peau abîmée par la maladie, il dit à l’homme :
– Je suis un pauvre voyageur sans ressources. Nul ne peut répondre à mes besoins si ce n’est Dieu et toi ensuite. Aussi, je te demande, par Celui qui t’a donné ce beau teint, cette peau saine et ces richesses abondantes, de me donner un seul chameau afin que je puisse poursuivre mon voyage.
Mais l’homme est ce qu’il est, il oublie… Au lieu de se rappeler ce qu’il était et ce que Dieu lui avait donné, il fit preuve d’un égoïsme sans bornes et refusa en disant :
– Mes charges sont importantes.
– Il me semble te connaître, lui dit alors l’ange. N’étais-tu pas ce pauvre lépreux repoussé par tout le monde et que Dieu a enrichi ?
Vexé et plein d’arrogance, l’homme n’assuma pas son ancienne condition, il mentit en disant :
– Cesse de dire des âneries ! J’ai hérité ces biens de mes ancêtres.
L’ange, venu montrer la puissance et la grandeur de son Maître, lui dit alors :
– Si tu mens, que Dieu te ramène à ton état initial !
Et il prit congé sans plus d’explications.
Puis il alla trouver le deuxième homme. Il se présenta à lui sous l’aspect d’un teigneux, les cheveux épars et éteints. Là encore, il lui demanda, au nom de la miséricorde de Dieu, de faire preuve de générosité et de dépenser un peu des biens que Dieu lui avait donnés. Mais l’homme eut la même réaction que le premier. Il avait oublié d’où il tenait ces richesses.
Il avait Surtout oublié ce qu’il avait été avant que Dieu ne lui fasse miséricorde en répondant à sa prière. Et, au lieu d’admettre qu’il avait été lui aussi teigneux et que Dieu lui avait donné ce bétail abondant, il prétendit qu’il était riche de naissance. Alors, comme pour le premier, l’ange lui dit :
– Si tu mens, que Dieu te ramène à ton état initial !
Enfin, l’ange rendit visite au troisième homme. Il se présenta à lui sous l’aspect d’un aveugle et lui dit :
– Je suis un pauvre voyageur sans ressources. Nul ne peut répondre à mes besoins si ce n’est Dieu et toi ensuite. Aussi, je te demande, par Celui qui t’a donné la vue, de me donner une seule brebis afin que je puisse poursuivre mon voyage.
Dès qu’il le vit, l’homme se rappela ce qu’il avait été. Il savait combien il était difficile d’être privé de la vue, et lui aussi avait subi la pauvreté et l’adversité. Alors il répondit :
– Moi aussi j’étais aveugle et Dieu m’a rendu la vue. Prends ce que tu veux et laisse ce que tu veux. Par Dieu ! Je ne te demanderai pas compte de ce que tu auras pris au Nom de Dieu.
L’homme avait compris combien il était indécent de faire preuve d’ingratitude envers son Seigneur. Ce pauvre aveugle, il en était sûr, était, d’une façon ou d’une autre, envoyé par Dieu pour lui rappeler Ses bienfaits sur lui.
Alors, comme il avait reçu des faveurs, il décida d’en donner aussi, en signe de reconnaissance pour tout ce que Dieu lui avait accordé. Satisfait et heureux d’une telle réponse, l’ange révéla qui il était vraiment et lui dit :
– Je suis l’ange que Dieu a envoyé pour t’éprouver toi et tes compagnons. Et tu as fait preuve d’une grande générosité et d’une belle reconnaissance. Garde tes richesses car Dieu vous a éprouvés. Et sache qu’Il est Satisfait de toi mais Il a frappé de Sa colère tes deux compagnons qui ont oublié les faveurs de Dieu à leur égard.
Plein de reconnaissance envers Dieu, notre ancien aveugle remercia l’envoyé de Dieu et redoubla d’efforts sur la voie de son Seigneur. De leur côté, les deux autres hommes finirent leur vie dans l’avilissement, et furent oubliés, comme eux-mêmes avaient oublié Dieu…
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