Louange à Allah, que la prière et le salut soient sur son prophète Mohamed sur sa famille et sur tous ceux qui le suivent jusqu’au jour de la résurrection.
On rapporte que, après la mort d’Abou Talib, le commandement fut donné à ‘Abbas, Fils d’Abdoul Muttalib, qui était un homme indolent et sans fermeté, et qui n’était pas en état de protéger le Prophète.
Celui-ci fut en butte aux violences des Qorayshites, qui lui lançaient des pierres et lui jetaient de la boue sur la tête. Un jour qu’il faisait sa prière dans la mosquée, au moment où il se prosterna la face contre terre, les infidèles, ayant apporté une grande quantité de boue, la lui versèrent sur la tête. Mohammed(saw)avait des cheveux qui lui allaient jusqu’aux épaules; ses cheveux, sa tête et ses joues furent entièrement couverts de boue. Il se leva et s’en alla dans sa maison.
Une de ses filles, en lui nettoyant la tête, pleura. Le Prophète lui dit:
« Ô ma fille, ne pleure pas, invoque Dieu et aie patience. Ces choses arrivent quand on perd ses parents et ses oncles. Du vivant de mon oncle Abou Talib, personne n’a osé faire cela. »
Le Prophète supporta ces injures et ces outrages encore deux ans, en se conformant à l’ordre de Dieu:
« Supporte donc, d’une belle patience. »
(Coran 70 Verset 5)
Ensuite, voyant son insuccès auprès des Qorayshites, et étant accablé de misères, il partit pour Taïf.
Il y a entre la Mecque et Taïf trois journées de marche, sur la route du Yémen. Taïf se compose de plusieurs villages très considérables, dont aucun ne possède une mosquée pour les réunions du vendredi. Il y a là un grand nombre de vergers, de champs cultivés et de vignes, et beaucoup de ruisseaux, et cette contrée, par son aspect riant et florissant, ressemble au Soghd de Samarcande.
Les habitants de la Mecque doivent constamment avoir recours à Taïf, parce qu’il n’y a à la Mecque ni vigne, ni arbre, ni fruits. Tous les fruits que l’on a à la Mecque viennent de Taïf, qui produit toutes les espèces de fruits du monde. Tout habitant de la Mecque, excepté ceux qui sont tout à fait pauvres, possède à Taïf une vigne ou un jardin, et, pendant les trois mois de l’été, il ne reste personne à la Mecque, excepté les pauvres.
A cette époque, Taïf était gouverné par trois frères : ‘Habîb, Mas‘oud et ‘Abd-Yalil , fils d’Amrou ben ‘Omair, de la tribu de Thaqîf.
Le Prophète se rendit auprès d’eux, à pied, pour chercher à se faire accepter et protéger par eux contre les gens de la Mecque. Il alla trouver les trois frères et leur exposa sa situation.
« Je suis venu » leur dit-il, « afin que vous croyiez en moi, que vous me receviez et que vous me donniez aide et protection contre les habitants de la Mecque. »
L’un d’eux répliqua : « Si tu es prophète de Dieu, pourquoi nous demandes-tu assistance ? »
L’autre frère dit : « Pourquoi Dieu, qui t’a chargé d’une mission prophétique, ne te protège-t-il pas? »
Le troisième dit: « Si Dieu voulait charger un homme d’une mission prophétique, il aurait pu trouver, à la Mecque et à Taïf quelqu‘un qui n’aurait pas besoin d’aller de porte en porte pour demander protection; pourquoi n’a-t-il pas donné cette mission à un chef de la Mecque, auquel personne n’aurait osé faire de l’opposition? »
Le Prophète fut ainsi éconduit par eux.
Il est dit, dans les commentaires, que Dieu a révélé à leur intention le verset suivant :
« Et ils dirent: « Pourquoi n’a-t-on pas fait descendre ce Coran sur un haut personnage de l’une des deux cités ? » (La Mecque et Taïf). »
(Coran 43 Verset 31)
De même que cet autre verset:
« Et lorsqu’une preuve leur vient, ils disent: « Jamais nous ne croirons tant que nous n’aurons pas reçu un don semblable à celui qui a été donné aux messagers d’Allah. » Allah sait mieux où placer Son message. Ceux qui ont commis le crime seront atteints d’un rapetissement auprès d’Allah ainsi que d’un supplice sévère pour les ruses qu’ils tramaient. »
(Coran 6 Verset 124)
Alors le Prophète leur dit:
« Puisque vous ne m’accordez pas votre assistance, au moins n’en dites rien à personne, afin que je puisse retourner sans que l’on sache que je suis venu ici. »
Il ne voulait pas que les Qurayshites apprissent qu’il s’était rendu à Taïf pour y chercher aide et protection, et qu’il n’avait rien pu obtenir.
Mais les trois frères firent venir les jeunes gens de la populace de
Taïf et leur dirent:
« Chassez ce fou qorayshite hors de la ville, pour qu’il n’y reste pas la nuit. »
Le Prophète, ayant fait la route à pied, était très-fatigué; et lorsque ces jeunes gens le chassaient devant eux, il ne pouvait pas marcher; mais ils le poussèrent, le frappèrent et lancèrent contre lui des pierres, dont une l’atteignit à la cuisse, de sorte que le sang en coule.
Enfin, harassé de fatigue, abattu, exténué de faim et de soif et souillé de sang, il parvint à quitter le territoire de Taïf. Le soleil était ardent, et le Prophète, dans sa triste situation, s’assit pour se reposer, et il pleura. Puis, craignant qu’un châtiment ne fondît sur les habitants de Taïf, et ne voulant pas les voir périr parce qu’ils n’avaient pas cru en lui et qu’ils l’avaient accablé de mépris, il tourna sa face contre le ciel et dit :
« Ô Seigneur, ne les punis pas, car ils ne savent pas que je suis ton prophète! »
Près de l’endroit où le Prophète se reposait, il y avait une vigne appartenant à ‘Otba et à Schaïba, fils de Rabî‘a, de la famille d’Abd Schams, cousins de Mohammed(saw), qui se trouvaient en ce moment dans leur vigne. Ils avaient appris que Mohammed était allé à Taïf, mais ils ne savaient pas comment il avait été traité par les habitants, et ils étaient restés dans leur vigne.
Il y avait avec eux un esclave de Schaïba, un chrétien de la ville de Ninive, qui y avait été fait prisonnier. Ninive est une ville située vers la Syrie; elle était la patrie de Jonas.
Cet esclave, nommé ‘Addâs, avait lu l’Évangile et le Pentateuque, et pratiquait, à la Mecque, le culte chrétien. ‘Otba, Schaïba et l’esclave étaient dans l’enclos, car c’était l’époque des vendanges. Le Prophète arriva à la porte de l’enclos et alla s’asseoir au bord d’une citerne, qui se trouvait là, pour se reposer et laver son pied, ses mains et son visage.
Il ne savait pas à qui appartenait cette vigne. ‘Otba et Schaïha, regardant de l’intérieur de l’enclos et voyant le Prophète assis au bord de la citerne, couvert de poussière, surent qu’il avait été chassé de Taïf.
Leur parenté avec Mohammed leur inspirait de la pitié pour son état, et ‘Otba dit à Schaïha:
« Mon frère, voilà Mohammed assis à la porte de cette vigne; il vient de Taïf, pourchassé et épuisé de faim; envoie-lui quelque chose à manger. »
Ils ne voulaient cependant pas se montrer. Schaïha dit à l’esclave :
« Tu vois cet homme qui est assis au bord de la citerne? C’est un magicien et un possédé; partout où il va, il est frappé et chassé par les hommes. Mais il est notre parent et il a faim; nous avons pitié de lui. Porte-lui un plat de raisin, place le devant lui et reviens sans lui parler, car il pourrait te séduire et te faire perdre ta foi chrétienne. »
L’esclave vint, plaça le plat devant Mohammed(saw) et se tint devant lui, à distance, en le regardant. Le Prophète prit un raisin, et, en ayant détaché un grain, il le mit dans sa bouche, disant:
« Au nom de Dieu. (Bismillah) »
L’esclave lui dit : « Ô jeune homme, quelle parole viens-tu de prononcer? Depuis que j’ai quitté ma patrie, je ne l’ai pas entendue. »
« D’où es-tu? » lui dit le Prophète.
« De la ville de Ninive » répondit l’esclave.
Le Prophète répliqua : « C’est la ville de mon frère Jonas, fils de Mataï. »
L’esclave lui demanda à son tour: « Qui es-tu, et comment connais-tu Jonas? »
« Je suis un prophète » répondit Mohammed (saw)« et Jonas fut prophète; tous les prophètes sont frères. »
L’esclave conversait ainsi avec Mohammed(saw), tandis que ‘Otba et Schaïba regardaient de loin.
L’esclave dit ensuite:
« Quel est ton nom? »
« Mohammed et Ahmed »
« Es-tu cet Ahmed dont il est question dans l’Évangile? Il y est dit que Dieu t’enverra aux habitants de la Mecque, qui te feront sortir de la ville; que Dieu te ramènera pour les soumettre par la force, et que ta religion régnera dans le monde. »
« Certainement » dit le Prophète
« Annonce-moi la foi » dit l’esclave, car je le cherche depuis longtemps.
Le Prophète lui présenta la formule de l’islamisme, et l’esclave en fit la profession, ensuite il se précipite sur le pied du Prophète et le baisa.
Mohammed mangea le raisin et s’en alla.
On avait appris à la Mecque que Mohammed(saw) était allé à Taïf et qu’il en avait été chassé. Les habitants se concertèrent, en disant :
« Puisqu’il est sorti de la ville, nous ne le laisserons plus rentrer. »
Abou Jahl prit pour cela l’engagement de toutes les tribus. Le Prophète, arrivé près de la Mecque, s’arrêta à Batn Nakhl, à la distance d’un mille de la ville.
Il y passa la nuit, en priant, en récitant le Coran et en adorant Dieu, pour entrer le lendemain à la Mecque.
Et Allah Seul Sait….
Sur ce, Que la Paix de Dieu soit sur vous et vous accompagne partout où vous êtes.