Les Récits de la Tradition

Une Promesse Accomplie

(de Ibn Qudâma, dans Kitâb at-tawâbîn.)

Mâlik Ibn Dînâr était un homme d’une grande piété, l’un des plus grands imams de Médine et un savant de renom. C’était surtout un homme proche de Dieu depuis qu’il avait décidé de se consacrer à nourrir son cœur.

Un jour, alors qu’il marchait dans les rues de Bassora avec son ami Ja’far Ibn Sulaymân, il passa devant une magnifique maison en construction.
Une si belle demeure attirait forcément l’attention. Puis il vit un jeune homme assis là, en train de donner ses ordres aux ouvriers. Ce jeune homme était d’une beauté saisissante et lui aussi attirait forcément le regard. En le voyant, Mâlik s’exclama :
– Quel beau jeune homme, malheureusement absorbé dans une bien frivole occupation ! J’ai très envie de supplier Dieu de l’arracher à cette futile besogne et d’en faire Son vrai et sincère serviteur. Je désire tant qu’il se retrouve parmi les jeunes habitants du Paradis ! Que dirais-tu, Ja’far, si nous allions parler à ce jeune homme ?

Sans attendre la réponse, il se rendit auprès du jeune homme et le salua. Il répondit à son salut sans reconnaître immédiatement le shaykh qu’il connaissait pourtant. Mais, dès qu’il le reconnut, il se leva, par déférence, honoré d’une telle visite. Il demanda s’il pouvait lui être d’une aide quelconque. Mâlik répondit alors :
– Tu es en train de bâtir une bien belle maison ! Pourrais-tu me dire combien d’argent tu as l’intention de dépenser pour la construction ?
– Cent mille dirhams, répondit fièrement le jeune homme.

Mâlik Ibn Dînâr l’observa un moment puis lui dit :
– Que dirais-tu de me donner cet argent que je distribuerai aux pauvres en échange de quoi je te garantis une superbe demeure au Paradis, bien plus belle que celle-ci et même bien plus que tout ce que tu pourrais imaginer. Je te garantirai aussi toute une suite d’esclaves et de serviteurs qui ne penseront qu’à ton bien-être ainsi que des pavillons et des dômes de rubis émaillés de diamants ; un palais dont le sol sera de safran et le mortier de musc dont l’odeur flottera dans tous les alentours. C’est une demeure qui n’aura pour seul architecte que la Parole de Dieu : « Sois » et elle sera juste pour toi.

Le jeune resta pensif puis dit :
– Donne-moi la nuit pour réfléchir ! Si tu daignes revenir demain matin, je te ferai part de ma réponse.

Mâlik accepta et il rentra chez lui. La nuit fut longue pour notre imam qui ne cessa d’avoir à l’esprit la situation du jeune homme. Comme chaque nuit, il se mit en prière et là, il implora avec ferveur la miséricorde divine sur le jeune homme, au point d’en pleurer.

Le lendemain matin, il retourna avec Ja’far Ibn Sulaymân, comme convenu, sur le lieu de rendez-vous. Ils y trouvèrent le jeune homme qui les attendait à la porte avec un grand sourire. Ils se saluèrent et, après les paroles d’usage, Mâlik lui demanda :
– Alors mon jeune garçon, as-tu pris ta décision ?
– Je l’ai prise noble shaykh, mais j’ai une question : me garantis-tu réellement le palais dont tu m’as parlé hier ?
– Certainement ! rétorqua Ibn Dînâr.

Alors, sans attendre plus longtemps, le jeune homme plaça devant Mâlik Ibn Dînâr des sacoches pleines à craquer, contenant la totalité des cent mille dirhams. Puis il prit un parchemin, de l’encre et un calame qu’il avait apportés avec lui. Il dit :
– Voici l’argent que je t’ai promis . À toi maintenant de me donner la tienne. Je veux par écrit le contenu de notre accord.

Alors, Malik Ibn Dînàr prit le parchemin et le calame et écrivit :
« Au nom de Dieu le Clément, le Miséricordieux.
Moi, Mâlik Ibn Dînâr, m’engage par la présente à obtenir tel palais (en précisant avec détail la construction et ses ornements) de Dieu le Très-Haut pour ce jeune homme. En échange de quoi ce dernier s’engage à abandonner la construction de sa demeure et à la céder à Dieu.
Plus précisément, je me suis engagé à lui obtenir un palais bien plus somptueux que celui décrit ci-dessus, édifié dans la proximité de Dieu. »

Puis Mâlik donna le parchemin au jeune homme qui lui remit l’argent. Après l’avoir salué, Mâlik Ibn Dînâr et JaTar Ibn Sulaymân prirent congé du jeune homme, tous heureux de leur transaction. Au lieu de rentrer chez lui, Mâlik décida d’aller sur-le-champ dans les rues de Bassora et se chargea de distribuer la totalité des cent mille dirhams aux pauvres, ce qu’il parvint à faire avant que la nuit tombe.

Puis le shaykh rentra chez lui, le ventre vide, sans avoir gardé un sou pour son repas, fidèle à ses scrupules et à sa rigueur habituels.
Quarante jours plus tard, la vie reprit ses droits et Mâlik Ibn Dînâr avait presque oublié cet épisode. Comme à son habitude, il alla diriger la prière de l’aube à la mosquée, quand il trouva à hauteur du mihrab un parchemin qu’il ramassa. Il reconnut immédiatement l’engagement écrit qu’il avait fait au jeune homme. Puis il tourna le parchemin et vit un paragraphe qui disait :
« Dieu le Très-Haut a déchargé Mâlik Ibn Dînâr de son engagement envers ce jeune homme. Nous lui avons accordé un palais soixante-dix fois plus beau que celui qu’il lui avait promis d’obtenir ! »

Très surpris, le shaykh alla immédiatement chercher Ja’far Ibn Sulaymân et tous deux décidèrent d’aller rendre visite au jeune homme. Quand ils arrivèrent dans sa maison familiale, ils virent que quelque chose n’allait pas. Les gens étaient en pleurs. Alors Mâlik s’approcha et demanda à une personne ce qu’il se passait. Celle-ci lui répondit que le jeune homme avait trouvé la mort la veille. Les deux hommes ne comprirent pas… Comment ce parchemin avait-il pu se retrouver dans le mihrab alors que le jeune homme était mort.

Ibn Dînâr demanda à parler au dernier homme à avoir vu le corps du jeune homme, celui qui l’avait lavé avant de l’envelopper dans son linceul. Quand l’homme arriva, Mâlik Ibn Dînâr demanda s’il s’était passé quelque chose de particulier. L’homme répondit :
– Non, si ce n’est qu’avant de mourir, le jeune homme m’a donné un parchemin. Il m’a demandé de le glisser entre son corps et le linceul. Et c’est ce que j’ai fait, après l’avoir lavé.
Mâlik Ibn Dînâr sortit alors le parchemin et demanda :
– S’agit-il bien de celui-ci ?
– Par Celui qui a donné la mort à ce jeune homme, c’est bien celui-ci ! s’exclama l’homme. Comment peux-tu l’avoir ? Je l’ai enterré de mes propres mains avec ce parchemin !

Mâlik Ibn Dînâr se mit à trembler et implorer son Seigneur, les larmes inondant son visage, tant il était saisi par ce qu’il venait d’arriver. Dieu Lui-même venait de montrer que les nobles promesses sont toujours exaucées quand elles sont vouées au bien.

Depuis, à chaque fois qu’il évoquait le souvenir de ce jeune homme, le shaykh Mâlik Ibn Dînâr ne pouvait s’empêcher d’être ému au point de pleurer et d’implorer la miséricorde de Dieu pour lui, que Dieu soit Satisfait de chacun d’eux…

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