Rappels Islamiques

Qu’est-ce que l’intérêt « Ar-Riba » ? Pourquoi l’islam l’a-t-il interdit ?


Louange à Allah, que la prière et le salut soient sur son prophète Mohamed sur sa famille et sur tous ceux qui le suivent jusqu’au jour de la résurrection


Pourquoi l’islam a-t-il permis de s’enrichir en vendant des biens ou des services, mais pas en percevant de l’intérêt ? L’intérêt n’est-il pas, au fond, comme un bénéfice perçu sur la revente de l’argent qu’on a acquis à la sueur de son front et à la force de ses bras, ou comme un loyer perçu sur la location de cet argent honnêtement acquis ?

1) Qu’est-ce que l’intérêt perçu sur les prêts ? Qu’est-ce que l’islam a interdit à propos de cet intérêt ?

Il s’agit du surplus qui est perçu lors du remboursement d’un prêt et qui avait été stipulé comme condition.
Dans le Sahîh ul-Bukhârî, n° 3603, est rapportée une parole de Abdullâh ibn Salâm où il dit à Abû Burda, qui résidait en Irak, de refuser de prendre même ce que son débiteur lui offrirait comme petit présent.

L’intérêt est donc présent dans un prêt dès que trois conditions y sont présentes :
1)
 il y a un surplus par rapport à la somme initiale (le prix fixé dans le cas d’une vente, ou la somme prêtée dans le cas d’un prêt) ;
2) ce surplus est la pure contrepartie du délai ;
3) ce surplus fait l’objet d’une condition dans la transaction (que cette condition ait été mentionnée explicitement ou qu’elle soit considérée comme présente à cause de l’usage).

Il n’y a pas de différence en islam entre intérêt et usure.
Il n’y a pas non plus en islam de différence entre les prêts à intérêt destinés à la consommation et les prêts à intérêt destinés à l’investissement.
Il n’y a pas non plus en islam de différence entre les intérêts qui augmentent au fil du temps quand le débiteur ne parvient pas à régler sa dette, et les intérêts fixés une fois pour toutes au moment du prêt.
Le fait de percevoir des intérêts grâce à un compte épargne, c’est également percevoir de l’intérêt.

De plus, il faut savoir que si l’islam a interdit de percevoir de l’intérêt sur les prêts, il a aussi interdit de contracter un emprunt à intérêt et de verser cet intérêt.
Aucune circonstance exceptionnelle ne peut autoriser la pratique du prêt à intérêt.
Par contre, dans un cas de nécessité absolue (dharûra), une personne peut être amenée exceptionnellement à avoir recours à l’emprunt à intérêt ; les conditions en sont malgré tout très sévères et cela ne peut être traité qu’au cas par cas par le mufti de chaque localité. Dans un autre Hadîth rapporté par Muslim, n° 1598, le Prophète a aussi interdit d’écrire des contrats de prêts à intérêt et de servir de témoin à de tels contrats.

2) Pourquoi l’islam a-t-il interdit l’intérêt alors qu’il a autorisé le profit sur la vente et le loyer sur les locations ?

Dieu dit dans le Coran : 
« Dieu a déclaré licite la vente et déclaré illicite l’intérêt »
(Coran 2 Verset 275).

Il s’agit de l’intérêt perçu sur les prêts. Le Coran et les Hadiths n’ont fait que dire la règle sans en mentionner la raison. Ce sont des ulémas qui ont fait des efforts pour exprimer cette différence. Ce qui suit est extrait de leurs recherches.

1.1) L’intérêt est un gain obtenu sans travail et sans prise de risque digne de ce nom :

L’intérêt constitue un prélèvement, sans participation aucune (même au niveau d’une simple prise de risque), sur le travail d’autrui. L’intérêt est un loyer obtenu sur le prêt de monnaie, ou encore un bénéfice obtenu sur la vente de monnaie. Or l’islam rend nécessaire que le gain résulte d’un travail ou au moins d’une participation par la prise de risque. Nous allons voir ci-après en quoi l’intérêt diffère aussi bien du loyer perçu sur les services et les locations que du bénéfice obtenu à partir du commerce d’autre chose que la monnaie…

1.2) Pourquoi l’intérêt n’est-il pas comparable au loyer perçu sur les services et les locations ?

Certaines personnes justifient l’intérêt en le présentant comme la contrepartie du service que constitue la location de la monnaie. Elles disent : 

« Vous dites qu’il est injuste que le propriétaire de l’argent touche une somme fixe et certaine sur la somme d’argent qu’il a prêtée, et que les risques de perte soient supportés seuls par celui qui a emprunté cet argent pour monter son entreprise ! Or vous autorisez bien le fait que les propriétaires d’immeubles, de machines, de camions, etc. touchent une somme fixe et certaine lorsqu’ils louent ces biens à celui qui monte son entreprise ! Pourtant, ici aussi celui qui a monté son entreprise et emploie ces biens pour la faire fonctionner supporte seul les risques de perte ; en effet, ceux qui lui ont loué ces biens touchent eux une somme fixe et certaine, que vous appelez un loyer et que vous autorisez. L’intérêt perçu sur l’argent est donc semblable au loyer perçu sur les immeubles, machines et camions loués ! »

La réponse est qu’en fait, loyer et intérêt ne sont pas la même chose. Tout tient au caractère particulier de la monnaie par rapport aux autres biens matériels. Lors de la vente de services (ce qu’on appelle une location), la somme appelée loyer est une compensation parce que l’objet qui est loué s’use peu à peu et perd donc de sa valeur au fil du temps. Il est donc tout à fait normal qu’une contrepartie soit donnée au propriétaire pour le service qu’il en a rendu possible en le louant. Cependant, si l’islam a permis la location des biens tels que ceux évoqués (c’est une vente des services) et a interdit la « location de la monnaie », c’est eu égard au statut particulier de la monnaie : qu’on soit son propriétaire ou qu’on l’ait empruntée, qu’elle soit sous forme de pièces ou de billets, la monnaie ne peut pas être utilisée par elle-même, mais doit nécessairement, pour pouvoir être utilisée, être échangée contre un autre bien que possède une autre personne (ce qui est tout à fait normal puisque la monnaie est, par définition même, ce qui sert de valeur de réserve et d’échange). Or la valeur de la monnaie ne diminue pas à cause de cet échange et de cet usage, contrairement aux autres biens qui sont loués. La contrepartie n’a donc pas de raison d’être.

1.3) Pourquoi l’intérêt n’est-il pas comparable au bénéfice perçu sur la vente ?

Dès l’époque du Prophète (saw), les idolâtres de la Mecque – parmi lesquels il y en avait qui s’enrichissaient par les prêts à intérêt – avaient fait l’objection suivante : 

« Comment l’intérêt perçu sur les prêts d’argent pourrait-il être interdit quand, selon l’islam même, le bénéfice perçu sur les ventes de marchandises est autorisé ? Le (bénéfice perçu sur) la vente est après tout semblable à l’intérêt (perçu sur le prêt) ! »

La réponse est qu’en fait, non, les deux ne sont pas comparables. Celui qui vend une marchandise l’a soit lui-même fabriquée en assemblant et en travaillant des matières premières, soit l’a achetée toute faite à quelqu’un d’autre. Le bénéfice qu’il perçoit est, dans le premier cas, la contrepartie de la valeur qu’il a ajoutée aux éléments composant la marchandise, et, dans le second cas, la contrepartie du transport et de la prise de risque qu’il a supportées. Acheteur comme vendeur tirent donc profit de la transaction qu’ils ont réalisée, le premier en obtenant la marchandise qu’il va utiliser ou va revendre, le second en prenant un bénéfice. Chacun a pris possession de son bien, et l’affaire est close.


Par contre, un prêt n’est pas une vente, et l’intérêt que prend celui qui prête de l’argent n’est la contrepartie ni d’une valeur ajoutée, ni d’un transport, car il n’y a rien eu de tout cela ; l’intérêt n’est la contrepartie que du délai accordé à celui qui lui a emprunté l’argent. Or la contrepartie sur un délai pur n’est pas équitable. En effet, si l’emprunteur a contracté le prêt pour acheter des biens ou des services qu’il consommera lui-même, alors il est certes équitable qu’il rembourse la somme empruntée, mais il n’est pas normal qu’il doive payer un surplus pour le seul délai qui lui a été accordé. Et si l’emprunteur a contracté le prêt pour investir dans un projet commercial ou industriel, il est équitable qu’il rembourse le prêt mais il ne l’est pas que toute perte soit comptée au détriment de l’emprunteur alors que le prêteur soit pour sa part certain de toucher son « bénéfice » – l’ « intérêt » – sur le délai. Ouvrir la porte à une contrepartie du seul délai, c’est ouvrir la porte à l’exploitation la plus grande. En effet, si l’emprunteur ne peut pas s’acquitter de ce qu’il doit à l’échéance voulue, le délai étant prolongé, la contrepartie le sera d’autant, ce qui multipliera le montant dû. 

Je connais ainsi un homme qui avait monté une affaire et avait pour cela contracté un emprunt classique à intérêt. Son affaire a fait faillite et il s’est retrouvé avec une dette de 5 000 000 francs à payer à l’organisme à qui il avait emprunté l’argent. Il a pu ensuite retrouver du travail avec un petit salaire, mais il ne peut pas se sortir du cycle de l’intérêt : avec son petit salaire il doit faire vivre sa famille et ne peut régler, du montant de sa dette, qu’environ 40 000 francs chaque mois. Or, à cause des pénalités de retard (= la contrepartie du délai, autrement dit l’intérêt), sa dette à l’égard de l’organisme reste à un niveau quasi-constant (5 000 000 francs) bien qu’il règle 40 000 francs chaque mois depuis quelques années ! Et chaque mois il règle environ 40 000 francs de sa dette, et chaque mois elle augmente d’autant… Ce qui fait qu’il est condamné à payer 40 000 francs durant le restant de ses jours jusqu’à ce que quelque chose d’autre lui arrive ! Comment s’en sortira-t-il, le pauvre ?

Je disais qu’un prêt d’argent n’est pas une vente et qu’aucun profit n’est possible lors d’un prêt, contrairement à ce qui se passe lors d’une vente. Cependant, dans le cas d’une vente aussi il peut y avoir de l’intérêt au cas où s’y réalise le principe « somme d’argent comme pure contrepartie du délai ». C’est bien pourquoi même ceux des savants qui pensent que la vente à tempérament est permise y énoncent comme condition que le prix à payer soit fixé une fois pour toutes au moment de conclure l’acte, et qu’il ne subisse ensuite plus d’augmentation ; C’est aussi pourquoi l’escompte n’est pas autorisée; il s’agit du cas où le prix et l’échéance du paiement ont été fixés, mais où le vendeur édicte comme condition pour accorder une ristourne à l’acheteur que celui-ci le paie avant l’échéance fixée : ici aussi une partie de la somme est devenue une pure contrepartie du délai, et cela est donc interdit.

1.4) Oui, mais… que l’acheteur doive payer des intérêts, cela ne constitue-t-il pas une garantie pour le vendeur d’être payé dans les temps ?

De toutes les choses que les textes de la révélation ont déclaré interdites, certaines ne contiennent que ce qui est nocif à l’être humain (sur le plan physique, sur le plan spirituel, sur le plan mental, sur le plan familial, sur le plan social, ou autre) ; d’autres choses contiennent à la fois ce qui est utile et ce qui est nocif pour l’être humain, mais ce qui est nocif domine ce qui est utile, et les textes de la révélation les ont donc strictement interdites. Ainsi en est-il de l’alcool, dont Dieu dit explicitement qu’il contient ce qui est utile mais aussi ce qui est nocif (Coran 2 Verset 219). L’alcool procure par exemple à l’organisme une sensation de chaleur et l’aide ainsi à supporter le froid, mais cet avantage n’est pas suffisant pour contrebalancer les ravages qu’il cause par ailleurs ; Dieu l’a donc strictement interdit. 

« Et il se peut que vous aimiez quelque chose alors qu’elle est mauvaise pour vous. Dieu sait et vous ne savez pas »

(Coran 2 Verset 216)

Un Compagnon habitant une région froide d’Arabie avait ainsi demandé au Prophète si les musulmans de cette région pouvaient absorber une boisson faite à partir du blé, qui les aidait à supporter le froid et les durs travaux. 

« Cette boisson cause-t-elle l’ivresse ? s’enquit le Prophète. – Oui. – Eh bien abstenez-vous en« 

(Rapporté par Abû Dâoûd)

De même, l’intérêt contient certes des avantages sur le plan économique, parmi lesquels ceux mentionnés dans la questionCependant, ceux-ci ne sont pas suffisants pour contrebalancer ce qui y est nocif sur le plan social, et Dieu a donc strictement et absolument interdit l’intérêt. Les avantages que contient l’intérêt doivent donc être recherchés par d’autres moyens, qui ne présentent pas les inconvénients de l’intérêt et qui sont donc autorisés.

Ainsi, l’avantage qui est d’amener la personne à payer à l’échéance fixée peut être obtenu par les moyens suivants : on peut demander à cette personne de laisser quelque chose en gage, ou bien de prendre la caution d’une tierce personne. Il est également possible, dans le cas d’une vente à crédit, d’ajouter une « option de paiement à une échéance fixée » : en cas de non paiement à l’échéance, la vente est automatiquement résiliée. Il y a encore la possibilité, dans le cas d’une vente à tempérament – dans laquelle une partie du prix est payée à échéances régulières –, qu’en cas de retard mis à payer une échéance, le crédit soit résilié et que le vendeur ait le droit de réclamer le paiement immédiat de toutes les autres échéances. Il s’agit d’autres solutions permettant, sans le recours à l’intérêt, d’amener l’acheteur à payer dans les temps.

1.5) L’économiste Keynes et l’intérêt :

Dans son étude des travaux de l’économiste Keynes, Hubert Houdoy écrit : 

« L’obstacle à l’investissement et à l’emploi est l’ensemble des taux d’intérêt. (…) Pour cela il faut réduire l’usage spéculatif de la monnaie. « Le seul remède radical aux crises de confiance qui affligent la vie économique moderne serait de restreindre le choix de l’individu à la seule alternative de consommer son revenu ou de s’en servir pour faire fabriquer l’article de capital qui, même avec une faible évidence, lui paraît être l’investissement le plus intéressant qui lui soit offert » (Keynes, p. 176). On peut voir en Keynes un précurseur du partenariat. Et cela est tout à fait cohérent avec sa condamnation de l’intérêt, son apologie de l’investissement, son insistance sur la confiance et sur les anticipations. Les seuls bons usages du revenu monétaire sont la consommation et l’investissement. La monnaie est la meilleure et la pire des choses. Elle permet l’action à grande échelle quand les anticipations sont optimistes. Elle provoque la crise brutale quand le doute s’installe. C’est à tort que chacun compte sur elle pour se protéger. « Puisque les marchés financiers organisés sont soumis à l’influence d’acheteurs qui ignorent pour la plupart ce qu’ils achètent et de spéculateurs qui s’intéressent plus à la prévision du prochain changement de l’opinion boursière qu’à l’estimation rationnelle du rendement futur des capitaux, il est normal, lorsqu’une déception frappe un marché surévalué et trop optimiste, que les cours baissent d’un mouvement soudain et même catastrophique » (Keynes, p. 329) » 

1.6) A méditer

Les épargnants déposent une partie de leur argent à la banque pour qu’en échange elle leur verse un taux d’intérêt fixe (d’environ 2,5%). La banque prête aux industriels (à un taux d’environ 8%) les capitaux nécessaires pour qu’ils puissent fabriquer les biens de consommation. Or, qui finance ces 8% d’intérêts que les industries doivent à la banque ? Ce sont les épargnants eux-mêmes, lorsqu’ils achètent les biens de consommation que leur épargne à servi à fabriquer ! En effet, les industries inscrivent le pourcentage d’intérêt dans le coût de revient des choses de consommation. Le peuple touche donc, sur son argent épargné, un intérêt au taux d’environ 2,5%, mais, parallèlement, paie sur les biens qu’il achète l’intérêt qui a servi à leur fabrication, au taux d’environ 8%.


3) Quelle alternative à l’intérêt ?

– La murâbaha : alternative au prêt à intérêt destiné à la consommation. Dans le cas classique où l’organisme de crédit accorde un prêt à intérêt à son client pour que celui-ci achète une voiture, le client prend possession de la somme prêtée et la dépense pour acheter ce dont il a besoin. Puis il rembourse au fur et à mesure la somme qu’il a empruntée plus les intérêts. Si la voiture coûte 10 000 000  et que le client a pu bénéficier d’un prêt de ce montant, il remboursera par exemple 13 000 000 sur cinq ans.
Dans le cas de la murâbaha, le client adresse une demande à l’organisme de crédit concernant la voiture qu’il désire acheter. Si l’organisme accepte sa demande, il considère celle-ci comme étant une promesse d’achat de la part de son client, il achète la voiture en son nom propre puis la revend au client avec un bénéfice, le tout étant payable par échéances.
Quelqu’un pourrait dire, ici : 

« Le résultat est le même : ici aussi, pour une voiture que l’organisme achètera au prix de 10 000 000, le client la paiera 13 000 000 sur cinq ans. »

Mais en fait non, il y a des différences :
a) Dans le cas de la murâbaha, si la marchandise livrée ne correspond pas aux caractéristiques énoncées, alors ce sera l’organisme de crédit qui fera les démarches pour que le fournisseur reprenne son bien ;
b) De même, si la marchandise connaît des problèmes d’acheminement, ce sera cet organisme qui se chargera de relancer le fournisseur ou le transporteur ;
c) Et si cet organisme a déjà pris possession de cette marchandise et que celle-ci a été détruite par un incendie avant qu’elle le remette à son client, la destruction se fera aux dépens de l’organisme ;
d) Enfin, en cas de retard dans le paiement du prix convenu par son client, cet organisme ne pourra pas majorer ses échéances d’indemnités.

Quatre points qui font la différence entre le recours à la murâbaha et le recours au prêt à intérêt ; quatre points qui découlent tous de la même différence de forme juridique entre les deux transactions : dans la murâbaha, c’est l’organisme de crédit qui achète la marchandise en son nom, et toutes les règles concernant l’acheteur s’appliquent à lui. Aussi, entre le moment où l’organisme a acheté puis a réceptionné la marchandise et le moment où le client en prend possession après l’avoir achetée, l’organisme est entièrement responsable de cette marchandise.

En 1983, un organisme de crédit islamique du Qatar, pratiquant la murâbaha, avait, sur la demande son client (une entreprise qatariote vendant des meubles), acheté un conteneur de meubles en Allemagne. Le navire sur lequel ce conteneur était acheminé appartenait à une compagnie d’armement grecque, et celle-ci fit faillite alors que le navire faisait escale en Egypte. Ce fut l’organisme de crédit – et non le client – qui dut entreprendre toutes les démarches concernant le conteneur. La même entreprise qatariote avait commandé d’autres meubles, qui se trouvaient sur le même navire, mais avait acheté ceux-là en ayant recours à un emprunt à intérêt classique, conclu chez une banque. Eh bien concernant le conteneur où se trouvaient ces meubles, l’entreprise dut se débrouiller elle-même, et la banque ne voulut rien savoir : elle s’en tenait aux échéances prévues pour son remboursement.

– La mudhâraba : alternative au prêt à intérêt destiné à l’investissement. Cette solution aussi permet à l’épargnant, détenteur de capitaux, d’investir, et à celui qui veut travailler de bénéficier de capitaux. Mais, contrairement au prêt à intérêt, ici celui qui apporte le capital partage les profits et les risques avec celui qui va travailler ; par exemple : « 60% des bénéfices iront au bailleur de fonds, 40% iront au propriétaire de l’entreprise ».

Imaginez par exemple que l’épargnant investisse 5 000 000 dans une société qu’il monte avec le travailleur et qui est destinée à vendre des vêtements en porte à porte. L’accord prévoit que 60% des bénéfices et des pertes seront pour l’épargnant, et 40% pour celui qui fournit le travail. 3 700 000 sont investis dans une voiture, 800 000 dans les vêtements à vendre, et 500 000 restent dans la caisse pour les besoins divers. Le travailleur réussit à vendre les vêtements à 1 800 000. 800 000, qui correspondent à la somme dépensée pour l’achat des vêtements, sont remis dans le capital initial ; le bénéfice, qui s’élève à 1 000 000, est partagé à hauteur de 600 000 pour l’épargnant et 400 000 pour celui qui a fourni le travail.

Imaginez maintenant que les vêtements achetés (contre la somme de 800 000) ne se vendent pas ; il faut bien en prendre conscience : on a fait une mauvaise affaire. Imaginez alors que ces vêtements soient cédés sur un marché aux fripes pour 400 000 et qu’il y ait donc eu une perte de 400 000. Alors, si les bénéfices n’avaient pas encore été partagés, cette perte sera décomptée des bénéfices. Sinon elle sera décomptée du capital. Le risque de perte s’applique donc aussi bien à la force productive du capital qu’à la force productive de l’effort intellectuel et physique de celui qui travaille.


4) Des formes de vente où il y a risque de présence ou bien ressemblance avec l’intérêt sur les prêts, et que le Prophète a donc interdites :

– « Salaf wa bay’ » (« un prêt et une vente ») : « Tu achètes ma marchandise et alors je te prête tant d’argent » : en obligeant l’emprunteur à acheter sa marchandise pour pouvoir bénéficier d’un prêt, le prêteur est peut-être en train de toucher de l’intérêt sur le prêt auquel il consent, intérêt qu’il perçoit sous la forme détournée d’un bénéfice perçu en apparance sur la vente. Le Prophète a donc interdit cette formule (rapporté par at-Tirmidhî, n° 1234).

– « Bay’ ul-‘înah » : Anas vend à Yahia une voiture pour dix millions, payable à crédit sur un an. Puis Yahia, disant regretter l’affaire, lui revend la voiture pour huit millions  payables comptant. Résultat concret : la voiture est retournée auprès de son premier propriétaire – Anas –, et au cours des deux échanges, Yahia a bénéficié d’un prêt de huit millions qu’il remboursera sur un an au montant de dix millions ! Les deux personnes s’étaient peut-être mises d’accord pour dissimuler un prêt classique à intérêt sous la forme d’une vente qu’on regrette, et c’est pourquoi cette forme de vente est interdite.

– « Ba’dhu suwar il-muzâra’a » : Louer un terrain agricole fait l’objet de divergences d’avis entre les savants. Tous les savants sont unanimes à dire que la location d’un terrain agricole contre une partie fixe de la récolte n’est pas permise, car il se peut que la récolte soit inexistante (sécheresse) ou disparaisse entièrement (tempête), et la transaction n’est donc pas juste (voir le Hadîth rapporté par al-Bukhârî, n° 2220). 

Ce cas interdit mis à part, qu’en est-il des autres formules pour louer un terrain agricole ?
Tâ’ûs est d’avis que seule la formule du partage de la récolte entre propriétaire et locataire est permise, tandis que la formule de la somme d’argent fixe n’est pas autorisée. Tâ’ûs fonde son avis sur un double raisonnement : d’un côté il est établi que le Prophète a dit de ne pas louer un terrain agricole (rapporté par Muslim, n° 1536) ; d’un autre côté, il est établi que le Prophète a fait avec les juifs de Khaybar un contrat prévoyant le partage de la récolte entre le propriétaire (l’Etat musulman) et les agriculteurs (les juifs de Khaybar) (rapporté par al-Bukhârî, n° 2213). A part cette formule de Khaybar, raisonne Tâ’ûs, toutes les autres formules demeurent sous le coup de l’interdiction. Cet avis se fonde également sur la ressemblance qu’il y a entre ce cas et la « location de monnaie » : ici aussi la terre ne s’use pas et il n’est pas certain que l’agriculteur réussisse à obtenir une récolte de la terre qu’il loue.

La majorité des ulémas est cependant d’avis que la location d’un terrain est permise selon les deux formules : soit le propriétaire partage avec le locataire les profits et les risques liés à l’exploitation du terrain agricole (« un tiers de la récolte pour moi, deux tiers pour toi ») ; soit le propriétaire perçoit un montant d’argent fixe pour son terrain qu’il loue (voir Sahîh ul-Bukhârî, n° 2220). Ces ulémas disent que si la terre ne s’use certes pas comme une machine, elle s’use quand même légèrement au point qu’il faille ensuite une jachère ou qu’il faille des engrais pour la rendre de nouveau productive.


Et Allah seul détient La Vérité
Sur ce, Que la Paix de Dieu soit sur vous et vous accompagne partout où vous êtes.

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