Rappels Islamiques

La démocratie et l’islam


Louange à Allah, que la prière et le salut soient sur son prophète Mohamed sur sa famille et sur tous ceux qui le suivent jusqu’au jour de la résurrection.


Alors que certains résistent pour défendre la légitimité et sacrifient leurs vies pour faire respecter la volonté du peuple exprimée par les urnes, d’autres installés confortablement chez eux rejettent farouchement le concept de la démocratie.

La démocratie contredirait à leurs yeux les enseignements de l’islam. La démocratie est assimilée au « kufr », elle serait même contradictoire avec le « Tawhid ».

La démocratie est une idole, le « Taghut » ! Ils jettent l’anathème sur quiconque appellerait à la démocratie. Pour se justifier, ils avancent que la démocratie signifie que le pouvoir est au peuple, or en islam, le pouvoir appartient à Dieu et

« le jugement n’appartient qu’à Dieu »

(Coran 6 Verset 57)

De plus, la démocratie est un système importé de l’occident mécréant, or, il nous est interdit d’importer un système inventé par les « kuffars ».

Pour élucider cette question, il est important de définir ce dont nous parlons. En effet, les savants stipulent que le fait de statuer sur une chose est une conséquence de sa conception. Ainsi, si nous voulons connaître le statut de la démocratie, il nous faut définir la démocratie et connaître les éléments constitutifs de la démocratie pour savoir si ces éléments seraient en contradiction avec les valeurs de l’islam. En effet, l’enseignement est tiré du contenu et non pas des appellations.

Selon la célèbre formule d’Abraham Lincoln (16ème président des Etas Unis de 1860 à 1865), la démocratie est :

« Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. »

C’est la définition couramment reprise. Mais qui a dit que le gouvernement du peuple était par opposition au jugement de Dieu ?!

Un gouvernement est dit démocratique par opposition aux systèmes monarchiques d’une part, où le pouvoir est détenu par un seul, et d’autre part, aux systèmes oligarchiques, où le pouvoir est détenu par un groupe restreint d’individus.

La démocratie s’oppose donc à la dictature et au totalitarisme.

Selon Alexis de Tocqueville (philosophe politique et homme politique français 1805 – 1859), la démocratie désigne une forme de société ayant pour valeur la liberté et l’égalité. En quoi ceci ne serait pas compatible avec l’islam ?!

Les principaux éléments qui définissent la démocratie sont les suivants : Le choix du gouverneur, l’état de droit, le suffrage universel, le fait pour l’élu d’avoir à rendre des comptes devant ses électeurs et la séparation des pouvoirs. Y a-t-il une contradiction entre les principes sur lesquels se fonde la démocratie et les références islamiques ?

Etudions tous ces éléments à la lumière des enseignements de l’islam :

La liberté de choisir le gouverneur

Selon la loi islamique, il appartient au peuple de choisir en toute liberté, selon sa volonté, son président, gouverneur, imam, peu importe l’intitulé. On ne pourrait imposer au peuple un gouverneur qu’il n’accepte pas. L’islam interdit même que les gens soient dirigés dans la Prière par un imam qu’ils n’aiment pas et n’acceptent pas. Le Prophète (saw) dit : 

« Trois catégories de personnes dont la Prière ne s’élèvera pas au-dessus de leur tête ne serait-ce que d’un empan » Il cita : « Un homme qui dirige des gens (dans la Prière) alors que ces derniers le détestent … »

(Rapporté par Ibn Maja, Ibn Hibbân, at-Tirmidhi, at-Tabarânî et Ibn Abi Shayba)

Il s’agit là de l’imamat mineur, pour diriger quelques dizaines d’individus, que dire alors de l’imamat majeur ?

Il appartient donc aux gens de choisir librement leur chef d’état par le biais de l’allégeance « bay’a ». Les gens n’ont à reconnaître aucun gouverneur à moins qu’ils lui prêtent le serment d’allégeance. Cette allégeance doit être générale. C’est ainsi que les quatre califes bien-guidés furent tous choisis par le peuple. Certes, le procédé démocratique de l’élection de chacun d’eux a évolué selon le contexte, mais chacun d’eux fut choisi par le peuple. Ce fut le cas d’Abou Bakr, choisi après une consultation entre les « Muhâjirun » et « al-Ansar ». Puis, pendant sa dernière maladie, les compagnons insistèrent auprès d’Abou Bakr pour désigner un successeur. Il choisit donc ‘Omar dont aucun lien de parenté ne le liait à lui. Mais cette désignation ne donnait pas à ‘Omar le droit de gouverner. Son califat fut établi par l’allégeance des gens. D’ailleurs, il appartenait aux musulmans de refuser le choix d’Abou Bakr. Rien ne les obligeait de l’accepter.

Pour le troisième calife, ‘Omar constitua un conseil consultatif de six compagnons. Ils devaient choisir parmi eux le futur calife, qui ne deviendra calife qu’après l’allégeance des gens. ‘Omar dit aux membres du conseil : 

« S’il y a une voix contre cinq, celle-ci doit se plier à la majorité, de même, s’il y en a deux contre quatre. En cas d’égalité des voix, faites intervenir ‘Abdoullah ibn ‘Omar pour trancher. Si vous ne l’acceptez pas, l’avis prépondérant sera celui du groupe dans lequel se trouve ‘Abd ar-Rahman ibn ‘Awf. »

Ce dernier proposa aux membres du conseil une idée : qu’il se retire de la liste et que les autres membres lui confient le choix du successeur de ‘Omar. Le conseil accepta. Il consulta tous les musulmans. Deux noms se distinguèrent : ‘Othman et ‘Ali. Après avoir demandé à chacun la manière dont il gouvernera, Il choisit ‘Othman, et les musulmans lui prêtèrent allégeance.

Pour le quatrième calife, les compagnons insistèrent auprès de ‘Ali pour qu’il accepte le califat bien que ce dernier ne le voulait guère. Sous leur insistance, il finit par accepter et la majorité des musulmans lui prêtèrent allégeance.

Par conséquent, l’islam refuse l’idée d’imposer un gouverneur aux gens contre leur volonté. L’islam refuse le gouvernement des tyrans à la manière des pharaons : 

« Pharaon était un tyran sur terre ; il répartit en clans ses habitants, afin d’abuser de la faiblesse de l’un d’eux. Il égorgeait leurs fils et laissait vivantes leurs femmes. Il était vraiment parmi les fauteurs de désordre »

(Coran 28 Verset 4)

L’islam refuse ce genre de gouvernement car il asservit les gens : 

« Je ne vous montre que ce je vois et je ne vous guide qu’au sentier de la droiture »

(Coran 40 Verset 29)

Par ailleurs, le Coran a mis en évidence une coalition maléfique entre trois composantes néfastes :

– Le gouverneur tyran qui gouverne par la terreur, représenté par Pharaon.

– Le politicien opportuniste et arriviste qui met sa compétence au service du tyran afin de consolider son pouvoir et de dompter son peuple, à l’instar de Haman.

– Le capitaliste féodal qui profite du régime du tyran et qui met sa richesse au service de ce dernier pour lui permettre de profiter du peuple pour amasser les fortunes. Ce type d’individus est représenté par Qaroun.

Dieu a cité ce trio maléfique en disant : 

« De même, nous détruisîmes Coré (Qaroun), Pharaon et Haman. Alors que Moïse leur apporta des preuves, ils s’enorgueillirent sur terre. Et ils n’ont pas pu Nous échapper »

(Coran 29 Verset 39)

D’ailleurs, le Coran a lié la tyrannie à la corruption sur terre qui est la cause de l’anéantissement des nations. Dieu dit : 

« N’as-tu pas vu comment ton Seigneur a agi avec les ‘Aad, avec Iram la cité à la colonne remarquable, dont jamais pareille ne fut construite parmi les villes ? Et avec les Thamūd, qui taillèrent le rocher dans la vallée ? Ainsi qu’avec Pharaon, l’homme aux épieux ? Tous agissaient en tyran dans leurs pays et y avaient semé la corruption » 

(Coran 89 Verset 6-12)

Le suffrage universel

Maintenant, comment choisir le gouverneur ? Il existe de nos jours un moyen moderne que les hommes ont acquis après une longue expérience avec la dictature et la tyrannie : le suffrage universel. Certains diront qu’il s’agit d’un système étranger à l’histoire de l’islam. La réponse est que ceci ne relève en rien du domaine religieux et cultuel.

Or, en matière du profane, la règle est de savoir si cette chose empruntée présente un intérêt général et celle-ci ne contredit aucun texte ou principe religieux. C’est dans ce sens que le Prophète (saw) a accepté l’idée du fossé proposé par Salmane al-Farisi bien qu’il s’agit d’une ruse perse.

Lorsque le Prophète (saw) voulut envoyer une lettre à l’un des rois, on lui suggéra de se faire faire un sceau car les rois n’accordaient aucune considération à un courrier qui ne porte pas de sceau. Il fit alors fabriqué un sceau en argent.

‘Omar emprunta le système des impôts fonciers « kharaj » des perses, l’établissement des registres administratifs des byzantins.

« La sagesse est le but recherché par le croyant. Là où il la trouve, il en est le plus digne »

(Rapporté par at-Tirmidhi)

La liberté du peuple de choisir ses représentants

Il appartient également aux gens de choisir leurs représentants : l’assemblée nationale, le conseil consultatif, peu importe l’intitulé. Les musulmans appelaient ceci : « ahl al-hal wal-‘aqd ».

Le conseil de « ahl al-hal wal-‘aqd » était connu dans les sociétés simples non-complexes dans lesquelles les chefs de tribus, les grands savants, les notables ou les sages faisaient figure de références. Lorsqu’ils décidaient de quelque chose, toute la société leur obéissait. C’est dans ce sens que ‘Omar constitua son conseil consultatif composé de : ‘Ali ibn Abi Talib, ‘Othman ibn ‘Affan, Sa’d ibn Abi Waqqas, Talha, az-Zoubeïr, ‘Abd ar-Rahman ibn ‘Awf et Abou ‘Oubeïda ibn al-Jarrah. Si ces hommes venaient à s’accorder sur quelque chose, toute la communauté les suivrait.

Mais de nos jours, les « ahl al-hal wal-‘ad » ne sont plus identifiables étant donné l’expansion des sociétés et leur complexité. Comment les désigner parmi des millions de personnes ? Le seul moyen est les élections. D’ailleurs, on retrouve cette notion de votation dans l’ordre donné par ‘Omar au conseil consultatif et dans la démarche de ‘Abd ar-Rahman ibn ‘Awf qui consulta tous les musulmans à propos du choix du successeur de ‘Omar.

Le droit de demander des comptes au gouverneur

L’un des éléments de la démocratie est le fait, pour l’élu, d’avoir à rendre des comptes devant ses électeurs. Le peuple a donc le droit de demander des comptes au gouverneur d’une manière générale, les représentants du peuple « ahl al-hal wal-‘aqd » en particulier. C’est là un principe profondément islamique.

Lors de son discours d’investiture, Abou Bakr dit : 

« J’ai été désigné comme votre gouverneur alors que je ne suis pas meilleur que vous. Si je fais le bien aidez-moi. Si je fais du mal redressez-moi. La sincérité est une responsabilité alors que le mensonge est une trahison. Le faible parmi vous et le plus fort pour moi jusqu’à ce que je lui donne ses droits. Le plus fort parmi vous est le plus faible pour moi jusqu’à ce que je lui prenne ce qu’il doit de droits. Obéissez-moi tant que j’obéis à Dieu vous concernant. Si je Lui désobéis, alors vous ne me devez aucune obéissance ».

‘Omar disait : 

« Que Dieu fasse miséricorde à quiconque m’offre mes défauts ».
Un homme lui dit un jour : « Crains Dieu, ‘Omar ! »
L’un des compagnons de ‘Omar dit alors : « Dis-tu cela au Commandeur des croyants ! »
‘Omar dit : « Laisse-le dire cela. Il n’y a point de bien en vous si vous ne le dites pas et aucun bien en moi si je ne l’entends pas ».

‘Omar dit un jour : 

« Si vous voyez en moi un écart de comportement alors redressez-moi »
Un homme lui dit : « Par Dieu, ô Commandeur des croyants, si nous voyons en toi un écart de comportement nous te redresserons au fil de l’épée »

‘Omar n’ordonna guère d’arrêter cet homme. Au contraire, il remercia Dieu du fait qu’il existe parmi le peuple des personnes qui le redresseront au fil de l’épée.

D’après ‘Abdoullah ibn ‘Amr, le Prophète (saw) dit : 

« Si tu vois ma communauté avoir peur de dire à l’injuste : Injuste ! Alors il n’y a plus rien à espérer d’elle »

(Rapporté par Ahmed)

Etat de droit

Cela signifie que le droit est le même pour tous, gouvernants et gouvernés. Ce principe est l’un des fondements de l’islam.

Le fils de ‘Amr ibn al-‘As, alors gouverneur de l’Egypte, frappa un jour un copte de son fouet et lui dit : 

« Je suis le fils du plus noble parmi les nobles ».

Le copte se rendit aussitôt à Médine et se plaignit au calife ‘Omar ibn al-Khattâb. Ce qui a poussé le copte à entreprendre un si long voyage, n’est autre que sa conviction d’y trouver un calife juste à même de réparer l’injustice qu’il a subi. En effet, ‘Omar convoqua son gouverneur ‘Amr ibn al-‘As et son fils. Il donna un fouet au copte et lui dit : 

« Frappe le fils du plus noble parmi les nobles ».
Lorsqu’il finit de le frapper, ‘Omar lui dit :
« Tourne-le (le fouet) vers la calvitie de ‘Amr, car c’est par son pouvoir que son fils t’a frappé ».
Le copte dit alors : « J’ai frappé celui qui m’a frappé ».
‘Omar se tourna alors vers ‘Amr et lui dit cette phrase désormais célèbre : 
« Ô ‘Amr ! Depuis quand réduisez-vous les hommes à l’état d’esclavage alors que leurs mères les ont fait naître libres »

La séparation des pouvoirs

La séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire est l’un des éléments de la démocratie. Cet élément est parfaitement compatible avec l’islam. La comparution du calife ‘Ali en personne devant un tribunal comme accusateur d’un individu chrétien qui lui avait volé son bouclier est une parfaite illustration du principe de la séparation des pouvoirs et de l’état de droit. En effet, après la bataille de « Siffin », le calife ‘Ali ibn Abi Talib fit tomber son bouclier. Il le retrouva chez un chrétien. Ils se disputèrent le bouclier et portèrent l’affaire devant le juge Shurayh. ‘Ali dit alors : 

« Le bouclier est à moi, je ne l’ai ni vendu ni offert ».
Le chrétien dit : « Le bouclier est à moi, bien que pour moi, le Commandeur des croyants n’est pas un menteur ».
Shurayh se tourna vers ‘Ali et lui dit : « As-tu une preuve ? ».
‘Ali rit alors et dit : « Shurayh a vu juste ; je n’ai point de preuve ».
Shurayh se prononça en faveur du chrétien et lui attribua le bouclier vu qu’il était en sa possession et que rien ne prouvait le contraire. L’homme prit le bouclier et partit. Après quelques pas, il fit demi-tour en disant :
« J’atteste qu’il s’agit là de lois de prophètes ! Le Commandeur des croyants me fait comparaître contre lui devant son juge et celui-ci se prononce en ma faveur ?! J’atteste qu’il n’est de dieu que Dieu et que Mohammad est son Messager ! Le bouclier est à toi, Ô Commandeur des croyants ! J’ai suivi l’armée alors que tu quittais Siffin, et le bouclier est tombé de ton chameau blanc ».
‘Ali lui dit alors : « Etant donné que tu as embrassé l’islam, le bouclier est désormais à toi »

D’ailleurs, l’indépendance du pouvoir judiciaire constitue l’élément le plus fondamental des droits de l’homme en islam. La missive écrite par le calife ‘Omar ibn al-Khattâb à Mou’awiya gouverneur du Shâm illustre parfaitement cette indépendance : 

« Tu n’as aucun pouvoir sur ‘Oubada ibn as-Samit ».

‘Oubada occupait la fonction de juge de Palestine désigné par le calife. Ainsi, ‘Omar mit un terme à l’ingérence des gouverneurs dans les affaires des juges.

Du temps des Abbassides, à la fin du deuxième siècle de l’Hégire le calife s’est déchargé de nommer les juges confiants ceci aux juges. Le calife Haroun ar-Rashid désigna Abou Youssouf comme juge suprême et c’est ce dernier qui nommait les juges. La juridiction jouit alors d’une indépendance administrative.

Ainsi, les principaux éléments de la démocratie sont tout à fait compatibles avec l’islam. Ces principes sont applicables partout, mais il appartient à chaque société de trouver son modèle de démocratie correspondant à son histoire et à sa culture.


Sur ce, Que la Paix de Dieu soit sur vous et vous accompagne partout où vous êtes.

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