Les Récits de la Tradition

Histoire De l’Expédition D‘Abraha Contre La Ka‘ba.

Extrait de la Chronique de Tabarai Tome 2 P.188


Louange à Allah, que la prière et le salut soient sur son prophète Mohamed sur sa famille et sur tous ceux qui le suivent jusqu’au jour de la résurrection.


L’origine de cet événement fut celle-ci :

Lorsque Abraha fut rentré en grâce auprès du Nedjâschi, et que celui-ci l’eut confirmé dans le gouvernement du Yémen, il fut très heureux, il en rendit grâce à Dieu, donna des aumônes aux pauvres et fit construire des églises dans chaque ville du Yémen.

 Il fit élever à Çan‘â, au nom du Nedjâschi, une église qui n’avait pas sa pareille sur toute la terre en grandeur, en beauté et en ornements. On mit quatre ans à la terminer.

Abraha la nomma Qalis. Sa réputation se répandit dans le monde entier. Abraha adressa une lettre au Nedjâschi, dans laquelle il lui disait :

« J’ai fait construire pour le roi une église comme le monde n’en possède pas, par reconnaissance de ce que Dieu m’a rendu la grâce du roi. »

Il lui envoya en même temps le plan de l’église. On y vint de Rome, de la Syrie et de tous les pays où il y avait des chrétiens, et l’on voyait là quelque chose qu’on n’avait jamais vu ni entendu, et chacun y fit de riches offrandes. La nouvelle en vint aussi au César de Rome, qui y envoya également des présents, de l’albâtre et des étoffes de Rome. Il écrivit au Nedjâschi une lettre ainsi conçue :

« Ton lieutenant a fait dans le Yémen une chose comme on n’en a jamais fait; la gloire en revient à toi; il n’y a nulle part dans le monde un édifice pareil et une église pareille. »

Le roi d’Abyssinie en fut charmé et adressa à Abraha une lettre pleine de compliments et d’éloges. Abraha écrivit au roi :

« Les Arabes ont à la Mecque un temple qu’ils appellent temple de Dieu; ils y vont en pélerinage, et l’ont des processions autour de ce temple. L’église que j’ai fait construire est cent mille fois supérieure en beauté à ce temple. Je veux ordonner aux habitants du Yémen de faire des pèlerinages et des processions journalières à cette église, d’y adorer Dieu et de lui adresser en ce lieu leurs prières. Je veux ordonner aux Arabes de se rendre ici, au lieu de faire leur pèlerinage à leur temple. Cela sera à l’éternelle gloire du roi. »

Le Nedjâschi en fut content. Alors Abraha proclama dans le Yémen que chrétiens et juifs devaient venir prier dans cette église, y faire des processions et des pèlerinages.

Deux frères arabes, de la tribu de Solaïm, étaient venus auprès d’Abraha.

L’aîné s’appelait Mohammed ibn Khozâ‘a al-Dsikrânî; le nom de l’autre était Qaïs ibn Khozâ‘a. Il étaient des chefs arabes; ils avaient été réduits par les Arabes et ils s’étaient trouvés embarrassés dans le Hedjaz, le Tihâma et à la Mecque, et étaient venus auprès d’Abraha avec une partie de leur tribu.

Celui-ci les avait bien reçus, et ils demeuraient là. Lorsque Abraha résolut d’inviter les Arabes à faire leurs pèlerinages à l’église, et de les détourner du temple de la Ka‘ba, il montra beaucoup d’amitié à Mohammed, lui donna le gouvernement des Arabes du désert et du Hedjaz, et la souveraineté de la Mecque; il mit une couronne sur sa tête et l’envoya à la Mecque, en lui recommandant de forcer les Arabes à faire leurs pèlerinages à l’église, de les persuader que cette église était plus belle que la Ka’ba, plus illustre et plus pure; qu’ils avaient dans leur temple des idoles, et qu’ils le souillaient, et que jamais cette église n’avait été souillée.

Mohammed partit avec son frère Qaïs et les gens de sa tribu. La nouvelle s’en répandit à la Mecque. La souveraineté de la Mecque appartenait aux Qorayshites et aux différentes branches de cette famille, de la tribu des Kinâna. Le chef des Qorayshites et de la Mecque était alors ‘Abdel Muttalib. Quand Mohammed arriva sur le territoire de la tribu des Kinâna, ceux-ci postèrent sur son chemin un homme nommé ‘Orwa, fils d’lyâdh, qui le tua d’un coup de lance. Son frère Qaîs se réfugia auprès d‘Abraha, dans le Yémen, et lui fit part de cet événement.

Abraha dit :

« Me faut-il donc envoyer quelque autre pour les engager à venir ici? J’irai moi-même et détruirai leur temple alors ils seront embarrassés, et ils viendront, s’ils veulent; ou ils ne viendront pas; puis je tuerai tous les Kinâniens »

Abraha rassembla une armée de cinquante mille hommes dans le Yémen, et se disposa à marcher sur la Mecque.

Les Arabes du désert, informés de son dessein, envoyèrent un homme de la tribu des Kinâna pour se rendre dans le Yémen et voir l’église qu‘Abraha avait fait construire.

Cet homme partit; quand il y arriva, les gardiens le reconnurent comme étranger, et, sachant qu’il n’était pas chrétien, ils lui demandèrent ce qu’il voulait. Il dit :

« Nous avons appris que le roi a fait élever ici une église, et qu’il veut nous engager à y venir en pèlerinage; mes compatriotes m’ont envoyé ici pour la voir, et je viens pour examiner ce temple, savoir comment il est, et pour leur en rendre compte, afin qu’ils y viennent en pèlerinage. »

On informa de ce fait Abraha, qui donna ordre de conduire cet homme, de lui montrer toute l‘église et de l‘y introduire. Cet homme y vit des choses qu‘il n’avait jamais vues auparavant, en fait de peintures et de pierreries, qui y- étaient suspendues. Il demeura tout étonné, se mit à prier et à pleurer; il demanda la permission d’y rester la nuit pour prier. On lui en accorda la permission, et il y passa toute la nuit en prières. Au matin, il remplit ses mains d’ordures et les porta sur l’autel de l’église, puis il sortit, demanda la permission d’aller faire ses ablutions et s’enfuit. Quand on vint à l’église pour la prière, on vit cet état de choses. Ou avertit Abraha de ce qu’avait fait cet homme, que les Arabes eux-mêmes avaient envoyé dans ce but.

Abraha jura qu’il partirait et ne retouperait pas avant d’avoir détruit la Ka’ba, et que, après l’avoir détruite, il la ferait profaner par des souillures.

Le Nedjâschi avait un éléphant qu’on appelait Ma‘hmoud, et qu’on n’avait jamais emmené dans une guerre sans remporter la victoire, et qui n’était jamais revenu d’aucun endroit si ce n’est en triomphe; il était très grand, plus grand qu’aucun autre éléphant de l’Abyssinie.

Abraha avait avec lui dans le Yémen treize de ces éléphants abyssins; il écrivit une lettre au Nedjâschi, lui raconta l’attentat des Arabes, tout ce qui s’était passé, lui fit part de son entreprise et lui demanda l’éléphant Ma‘hmoud. Le roi le lui envoya, et Abraha fit réunir une armée nombreuse, et partit du Yémen avec les éléphants. L’armée arriva sur le territoire du Hedjaz. Il y avait parmi les Arabes un homme, nommé Dsou Nafar, qui était si brave, qu’il se jetait : lui seul sur mille cavaliers. Les Arabes lui prêtaient obéissance. Il était de la race des ‘Himyarites, qui avaient le gouvernorat du Yémen avant les Abyssins, et il entretenait de l’amitié avec ‘Abdoul Muttalib.

Dsou Nafar rassembla les Arabes et se jeta au-devant d’Abraha avec dix mille hommes. Abraha le mit en fuite et tua un grand nombre d’Arabes; il fit prisonnier Dsou Nafar et donna ordre de le mettre à mort. Dsou Nafar lui demanda grâce, disant :

« Ne me fais pas tuer, tu n’en tireras aucun avantage; garde moi avec toi, afin que je te serve; tu as appris ma réputation et mon courage; il se peut que je t’aide à accomplir ton dessein et que tu sois content de moi. »

Abraha lui fit grâce, l’emmena avec lui et le fit garder par les troupes; puis il s’avança. Un homme nommé Nofaïl, fils de ‘Habîb, était chef des Behi-Khath‘am. Les Beni-Khath‘am étaient deux tribus, dont l’une s’appelait Schahrân, et l’autre Nâhis, et qui avaient ensemble cinquante mille hommes.

Nofaïl en choisit dix mille combattants et attaqua Abraha, qui les mit en fuite. Nofaïl fut également fait prisonnier et demanda grâce, en disant :

« Ô roi, accorde-moi la vie sauve; car tu connais mon influence parmi les Arabes; derrière moi sont cinquante mille tentes; en m’épargnant, tu reçois le gage d’obéissance de tous ces hommes. Il te faut, pour aller à la Mecque, un guide; car, dans ce pays des Arabes, une année ne peut pas s’avancer sans guide ; je te guiderai. »

Abraha l’épargna également, et le retint prisonnier avec Dsou Nafar; ensuite il continua sa marche. Quand les Arabes apprirent l’issue de ces deux batailles, ils eurent des appréhensions, et aucun d’eux n’osa plus l’attaquer.

Abraha arriva à Taïf, qui était sous le pouvoir des Beni-Thaqil‘, dont le chef était Mas’ûd, fils de Muttalib le Thaqîfite. Celui-ci et, à sa suite, les habitants de Tâïf vinrent faire leur soumission à Abraha, qui les reçut en grâce et leur demanda un guide, pour s’avancer jusqu’à la Mecque. Ils lui donnèrent un homme nommé Abou Righâl, et Abraha fit avancer son armée sur la Mecque. Les habitants de cette ville furent dans la crainte; ils allèrent trouver Abdoul Muttalib, pour connaitre son avis. Abdoul Muttalib dit :

« Nous ne sommes pas de force à résister à ces hommes; quand Abraha s’approchera, nous nous en irons tous, avec nos femmes et nos enfants, dans les montagnes. Abraha sait à quoi s’en tenir en ce qui concerne ce temple, dont le maître est plus puissant que nous et, selon sa volonté, en éloignera cet ennemi ou le lui abandonnera. »

Abraha quitta Taïf et vint camper à une station nommée Moghammes, éloignée de deux stations de la Mecque. Abou Righâl mourut à cet endroit, où se trouve son tombeau. Encore aujourd’hui, tous ceux qui y passent le maudissent et jettent des pierres contre son tombeau qui est devenu une montagne, par le grand nombre de pierres amassées.

De la station de Moghammes, Abraha envoya un des officiers abyssins, nommé Aswad, fils de Maqsoud, avec cinq mille hommes, et lui recommande de ne pas entrer dans la Mecque, mais de saisir autour de la ville tous les animaux des habitants, bœufs, moutons, chevaux et chameaux, et de faire prisonniers tous les hommes qu’il rencontrerait.

L’officier alla et prit tout le bétail et tous les pâtres de la Mecque qu’il trouva sur son chemin; parmi les animaux, il y avait deux cents chameaux appartenant à Abdoul Muttalib. Abraha fit demander aux prisonniers ce que les habitants de la Mecque se proposaient de faire.

Les pâtres répondirent:

« Les hommes sont d’accord d’abandonner la ville au roi, afin qu’il en fasse ce qu’il voudra, et leur chef ‘Abdoul Muttalib leur a recommandé de ne pas combattre. »

Abraha envoya à la Mecque un homme ‘himyarite, qui était avec lui, l’un des rois du Yémen, nommé ‘Honâta, et lui donna pour instruction de dire aux Mecquois :

« Je ne veux pas attenter à votre vie; je suis venu pour détruire ce temple; comme j’ai juré de le faire; soyez tranquilles pour votre vie et pour vos biens. »

Abraha recommande aussi à son envoyé de lui amener le chef des habitants, qu’il voulait voir. ‘Honâta vint dans la ville, transmit aux habitants le message d‘Abraha et amena Abdoul Muttalib auprès du roi.

Ils arrivèrent quand le jour avait baissé; on avertit Abraha que l’on amenait le chef de la Mecque; mais ils ne purent pas voir Abraha cette nuit. On fit demeurer ‘Abdoul Muttalib avec Dsou Nafar et Nofaîl, les deux chefs arabes qui avaient combattu.

Dsou Nafar et ‘Abdoul Muttalib étaient amis. ‘Abdoul Muttalib dit à Dsou Nafar :

« Ne peux-tu me rendre aucun service? »
L‘autre répondit : « Quel service pourrais-je rendre, moi qui suis prisonnier et enchainé, et qui m’attends à chaque instant à être mis à mort? Cependant le gardien qui prend soin du grand éléphant et qui est le chambellan d’Abraha, et qui se nomme Onaïs, est un brave homme et mon ami; je lui dirai de représenter au roi ta position. »

Abdoul Muttalib était le premier de tous les Arabes; car les principaux d’entre les Arabes étaient les Qorayshites, et il était le chef des Qorayshites. Il n’y avait pas d’homme plus généreux que lui dans toute l’Arabie. Sa libéralité était telle qu’elle triomphait du vent du nord : quand le vent du nord soufflait, il tuait un chameau et en donnait la chair à manger aux hommes; si, le lendemain, le vent soufflait encore, il tuait encore un chameau; et si, pendant cent jours, le vent soufflait, il tuait chaque jour un chameau et en donnait la chair aux hommes; et il faisait jeter tous les intestins des chameaux dans les montagnes, pour servir de pâture aux bêtes sauvages; et il faisait détacher les os pour les jeter à manger aux chiens. On l’avait surnommé « le nourrisseur des hommes et des bêtes. »

Dsou Nafar parla la même nuit à Onaïs, le chambellan, et lui fit l’éloge d’Abdoul Muttalib, et lui demanda de faire connaître au roi sa position, sa dignité et sa situation actuelle. Le lendemain, Onaïs en informe le roi, qui décida de donner à Abdoul Muttalib une audience. Quand Abraha donnait audience à l’armée et au peuple, il était assis sur un trône, n’ayant personne à côté de lui, à cause de son rang.

Abraha ne voulut pas faire asseoir Abdoul Muttalib sur le trône, en présence de l’armée Abyssinie, qui aurait pu dire que le roi le craignait; mais il voulut le traiter avec plus de distinction que les autres hommes, et ne pas le faire asseoir à ses pieds, pour ne pas faire tort à sa dignité. Il descendit donc de son trône, s’assit sur un tapis, sur la terre, et donna audience aux troupes et à Abdoul Muttalib. Quand celui-ci entra, Abraha le fit asseoir à côté de lui. Abdoul Muttalib était un homme d’une taille élevée, d’un extérieur imposant et très-beau; il plut à Abraha, qui ordonna à l’interprète de lui parler; et quand il entendit aussi qu’il s’exprimait avec éloquence, l’idée lui vint de lui abandonner la Ka’ba et de s’en retourner.

Il dit à Abdoul Muttalib :

« Fais-moi une demande. »

Il pensa qu’Abdoul Muttalib demanderait grâce pour le temple. Mais celui-ci dit:

« On m’a pris deux cents chameaux: que le roi ordonne de me les rendre. »

Abraha dit:

« Je regrette de m’être trompé à ton égard ; je croyais ton esprit plus élevé. Je suis venu pour détruire ce temple de la Ka’ba, qui est l’objet de ton culte et de celui de tous les Arabes; tu aurais dû me demander de m’en retourner et de ne pas le détruire. Je te l’aurais accordé et j’aurais ramené l’armée. Ce temple serait resté, jusqu’au jour de la résurrection, l’objet de ton culte et de celui de tes descendants. Mais tu n’as été préoccupé que de deux cents chameaux; est-ce là une grande affaire? Si j’avais abandonné mon dessein sur ta demande, je t’aurais donné cent fois la valeur de ces chameaux; Tu m’as ôté la bonne opinion que j’avais de toi. »

Abdoul Muttalib dit :

« Je suis le propriétaire de ces chameaux; il faut que je fasse des démarches pour les recouvrer, Ce temple a un maître plus puissant que moi, qui, s’il veut le préserver de ton attaque, saura le faire. »

Abraha donna ordre de restituer les chameaux à Abdoul Muttalib, qui les ramena et rentra à la Mecque. Il dit aux habitants de prendre le chemin de la montagne, en abandonnant la ville et leurs maisons; et lui-même, avec sa famille et ses chameaux, se retira dans la montagne.

La ville fut ainsi complétement abandonnée par les habitants.

Abraha arriva à la porte de la Mecque. Le lendemain, il fit avancer l’éléphant Ma‘hmoud. On avertit Abraha qu’il n’y avait plus personne dans la ville. Il ordonna de faire entrer les éléphants qui devaient détruire la Ka‘ba, pour s’en retourner ensuite. On conduisit le grand éléphant dans l’enceinte sacrée; arrivé là, l’éléphant s’arrêta et ne voulut plus avancer d’un seul pas. Malgré les coups qu’ils lui donnèrent, il n’avance pas son pied; on le frappa sur la tête avec des bâtons de bois et de fer; tout fut en vain. Les autres éléphants s’arrêtèrent également. Alors Dieu envoya une espèce d’oiseaux ressemblant à l’hirondelle, à celle qu’on appelle perestak, qui volèrent au bord de la mer, où chacun prit dans ses serres et dans son bec quelques grains de sable; ensuite ils s’envolèrent dans la direction de la Mecque et se tinrent au-dessus des troupes abyssines. On raconte que Dieu fit sortir de l’enfer une vapeur par laquelle le sable dans les serres et le bec des oiseaux se changea en pierres, que les oiseaux laissèrent tomber sur les soldats. Chaque soldat fut frappé d’une pierre à la tête, et aussitôt le feu entra dans son corps, la chair se détache des os, et le corps entier ne devint qu’une plaie. Chacun n’eut souci que de sa personne. Après avoir jeté toutes les pierres, les oiseaux s’envolèrent.

Le corps de tout homme atteint par une de ces pierres fut couvert de pustules. Quant à l’éléphant, on avait beau le frapper, il n’avançait pas; quand on lui tournait la tête vers le Yémen ou vers l’orient, il marchait; si on le tournait vers le sanctuaire, il ne marchait pas. Alors toute l’armée revint sur ses pas, et on ramena les éléphants. Tous ceux qui avaient été atteints par les pierres eurent cette éruption, qui s’étendait sur tout le corps; la peau et la chair se détachèrent. Arrivés dans le Yémen, ils moururent.

Dsou Nafar et Nofaîl, qui étaient prisonniers entre les mains d’Abraha, s’enfuirent, se rendirent dans la montagne de Tihâma et avertirent de ce qui s’était passé Abdoul Muttalib et les gens de la Mecque. Ceux-ci rentrèrent dans la ville, et, depuis lors, ils témoignèrent à Abdoul Muttalib plus de respect qu’auparavant, disant :

« C’est lui qui est le maitre du temple de Dieu, qui, à cause de lui, en a éloigné l’ennemi. »

Voilà le récit tel qu’il se trouve rapporté dans la Chronique de Tabari et auquel se rapporte cette sourate du Coran :

« N’as-tu pas vu comment ton Seigneur a agi envers les gens de l’Eléphant ?  
N’a-t-Il pas rendu leur ruse complètement vaine ?
Et envoyé sur eux des oiseaux par volées qui leur lançaient des pierres d’argile ?
Et Il les a rendus semblables à une paille mâchée. »

(Coran 105 Verset 1 à 5)

Mais dans les commentaires il est dit que les troupes abyssines, frappées par les pierres, périrent au même instant, et que leurs effets devinrent le butin des habitants de la Mecque.

J’ai lu dans les commentaires ce qui suit, qui ne se trouve pas dans l’ouvrage de Mohammed ben Djarir Tabari :

Le roi qui vint attaquer la Mecque avec l’armée abyssine, et qui y périt, fut le Nedjâschi lui-même, nommé Aswad ben Maqçour. Dans la langue abyssine, Nedjâschi veut dire « grand roi. » Le Nedjâschi était venu avec son armée, et Abraha était son lieutenant dans le Yémen. Le motif de cette expédition n’était pas qu’Abraha aurait invité les Arabes à se rendre en pèlerinage à l’église. Le motif fut le suivant :

Quand Abraha eut élevé cette église de Çan’â, il se trouva que c’était le plus bel édifice du monde. L’église n’était pas dans la ville elle-même, mais en dehors de la ville, dans la plaine. Abraha ordonna que tous les chrétiens y fissent des pèlerinages et des processions. La réputation de cette église parvint jusqu’au roi de Rome, qui y envoya également beaucoup de personnes en pèlerinage. Le Nedjâschi en fut très heureux, et ordonne aux chrétiens d’Abyssinie d’aller aussi là pour le pèlerinage et les processions.

Le bruit de ces faits se répandit dans le monde entier, et de tous les lieux où il y avait des disciples de Jésus, il venait tous les ans à Çan’â en pèlerinage des personnes qui y exécutaient des processions et faisaient des offrandes, de même que les Arabes au temple de la Mecque.

Abraha et tous les chrétiens de Çan’â allaient chaque jour prier à l’église, et la nuit on y mettait des gardiens et des inspecteurs. Cela se passa ainsi pendant plusieurs années. Or, un jour, une caravane arabe vint pour le commerce dans le Yémen. Ces Arabes avaient avec eux un grand nombre de chameaux ; ils firent halte aux portes de Çan’â, derrière l’église; les chameliers, tous réunis près du mur de l’église, y portèrent une grande quantité de bois et allumèrent du feu. Vers minuit ils chargèrent les chameaux et partirent, laissant près du mur beaucoup de bois enflammé. Alors le vent porta les flammes sur l’enceinte de l’église et dans l’église elle-même; les bois et les peintures enduites d’huile prirent feu et furent consumés. Les hommes sortirent de la ville, mais, malgré tous leurs efforts, ils ne purent se rendre maîtres du feu : le matin, toute l’église était brûlée.

Abraha envoya des cavaliers pour poursuivre les gens de la caravane, qui furent ramenés. Abraha leur dit :

« Vous avez fait cela de propos délibéré, vous avez été envoyés pour cela. »

Il les fit tous mettre à mort et fit brûler leurs chameaux et leurs biens.

Lorsque cette nouvelle arriva au Nedjâschi, il en eut un grand chagrin, et jura qu’il détruirait le temple de la Mecque. Il amena dans le Yémen son armée et l’éléphant nommé Ma‘hmoud, et Abraha, avec toutes les troupes abyssines qu’il avait, se joignit à lui. Quand ils arrivèrent près de la Mecque, Abdoul Muttalib se présenta devant eux pour réclamer ses chameaux; les Mecquois évacuèrent la ville, et le roi vint camper aux portes de la ville. Il y avait un chef de Tâïf, des Beni Thaqîl‘, nommé Mas’ûd; c’était un homme âgé, devenu aveugle, doué d’une haute intelligence et d’une grande expérience. Il était lié d’amitié avec Abdoul Muttalib; chaque fois qu’il venait à la Mecque, il descendait dans la maison d’Abdoul Muttalib

Lorsque les Mecquois se furent retirés dans les montagnes du Tihâma, de ‘Hira, de Thabîr et dArafa, il ne resta personne dans la ville, excepté Abdoul Muttalib et Mas’ûd.

Abdoul Muttalib dit à ce dernier:

« Tous les habitants ont quitté la ville; je suis resté à cause de toi, décide-toi sur ce que tu veux faire. Si lu veux aller avec moi dans ces montagnes, je t’y conduirai; si tu veux retourner chez toi, je te ferai monter sur un chameau, et enverrai quelqu‘un avec toi. »

Mas’ûd répondit :

« Moi aussi je veux me rendre avec toi sur le sommet de cette montagne, pour voir ce que Dieu fera de ces ennemis. Je crois que Dieu ne leur abandonnera pas la maison qu’Abraham, son ami, avait construite par son ordre, j’ai vu et entendu que beaucoup de rois et de Tobba‘ ont eu de mauvais desseins contre ce temple; mais Dieu les en a éloignés. »

Ils allèrent donc tous les deux au haut du mont Bou-Qabîs, au pied duquel se trouvait le camp abyssin; et ils entendaient les voix des hommes qui étaient en bas. Ce fut le matin qu’ils se rendirent à la montagne.

Pendant la nuit, les Abyssins étaient arrivés, pour y camper ce jour et la nuit suivante, entrer le lendemain dans la ville et détruire le temple. Ils savaient qu’il n’était resté personne dans la ville.

Au sommet de la montagne, Mas’ûd dit à Abdoul Muttalib :

« Fais un don de cent de tes chameaux au temple, en disant :
« Si Dieu préserve le temple de l’ennemi, je fais offrande au temple de cent chameaux. »
Ensuite fais sortir ces chameaux du territoire de la ville vers le camp des ennemis., afin que ceux-ci tuent ces chameaux destinés à l‘offrande, et Dieu sera irrité contre eux. »

Abdoul Muttalib alla choisir cent de ses chameaux, qui n’étaient pas éloignés de cet endroit, et les consacra par un vœu au temple; puis il les poussa dans la direction des Abyssins. Les chameaux prirent leur course et tombèrent entre les mains des Abyssins, qui les tuèrent.

Abdoul Muttalib vit tout cela du haut de la montagne et en informa Mas’ûd. Celui-ci lui dit:

« Observe demain comment Dieu les traitera. »

Le lendemain, Mas’ûd dit :

« Regarde tout autour de la Mecque, vers le ciel, qu’est-ce que tu y vois? »
L’autre dit :
« Je ne vois rien, si ce n’est de petits oiseaux, qui volent dans l’air. » Mas’ûd dit encore :
« Regarde si ce sont des oiseaux de la Mecque ou de Médine, et de quel côté ils se dirigent. »
Abdoul Muttalib répondit :
« Je ne connais pas ces oiseaux; ce ne sont pas des oiseaux du ‘Hedjaz, ni de la Syrie, ni du Yémen; dans aucun pays où je suis allé je n’ai vu des oiseaux de cette espèce; ce sont des oiseaux étrangers. Ils se dirigent du côté de la mer et s’abattent sur le rivage. »
L’autre dit :
« Observe-les, et regarde où ils vont se diriger de là. »
Après un certain temps, Abdoul Muttalib dit. :
« Les oiseaux s’envolent du bord de la mer et se dirigent vers le camp. »
Mas’ûd dit :
« Ce ne sont pas des oiseaux, c’est l’armée de Dieu. Regarde où ils vont et ce qu’ils feront. »
 Quand le soleil devint jaune, Abdoul Muttalib dit :
« Les oiseaux tournent au-dessus du camp. »

Ensuite la nuit tomba, et ils restèrent tous les deux ainsi sur le sommet de la montagne, n’entendant aucun bruit venant soit des oiseaux, soit des hommes, soit des bêtes.

Lorsque le soleil fut monté, Mas’ûd dit :

« Prends-moi la main pour descendre dans le camp, car l’armée de Dieu a accompli hier son œuvre. »

Abdou l Mottaüb le prit par la main et ils allèrent au camp. Là ils trouvèrent tous les hommes morts sur place, de même que les chevaux, les éléphants et les bêtes de somme. A la tête de chaque homme il y avait une boule d’argile, comme on en fait en tournant de la glaise; chaque boule ressemblait à une crotte de mouton, et sur chaque boule était écrit le nom de l’homme frappé. Ils virent aussi Abraha étendu roide mort.

Abdoul Muttalib voulut se rendre dans la montagne pour prévenir les Mecquois; mais Mas’ûd lui dit :

« Ne le hâte pas; rendons-nous riches d’abord, toi et moi; car, si les Mecquois arrivent, ils ne nous laisseront rien; va chercher dans le camp deux bêches. »

Abdoul Muttalib fit ainsi, et chacun d’eux en prit une, et creusa une fosse, en travaillant toute la journée. Quand la nuit vint, ils restèrent à cet endroit. Le lendemain, Mas’ûd dit :

« Maintenant remplis les deux fosses de toutes ces richesses, couvre-les de terre et aplanis le sol, pour que personne n’en ait connaissance. »

Abdoul Muttalib fit ainsi. Mas’ûd dit ensuite :

« Je veux la fosse que tu as creusée pour toi. »

Abdoul Muttalib consentit. Mas’ûd dit :

« Maintenant va, et invite les Mecquois à descendre des montagnes. »

Abdoul Muttalib monta sur un chameau, se rendit dans les montagnes de la Mecque et avertit les Mecquois, qui rentrèrent tous et enlevèrent tous les biens qui se trouvaient dans le camp; tous devinrent riches. Le septième jour, Abdoul Muttalib et Mas’ûd vinrent retirer les richesses cachées dans les fosses.

L’opulence d’Abdoul Muttalib provient de ce fait, ainsi que celle de

Mas’ûd de Taïf. Ensuite une terrible pluie tomba du ciel, un torrent se précipita de la montagne, enleva toutes les impuretés qui se trouvaient en cet endroit et les portait la mer; le territoire de la Mecque fut ainsi purifié et lavé des souillures.

Après ces événements, tous les Arabes témoignèrent une grande déférence à Abdoul Muttalib et aux habitants de la Mecque, et ils les considérèrent comme leurs supérieurs, disant :

« Ils sont les habitants de la ville sainte et les gardiens du sanctuaire. »

Quand une caravane de cent ou de mille chameaux sortait de la Mecque, on attachait au cou de chaque chameau une branche d’arbre avec une corde de laine; partout où elle passait, dans le désert, en Syrie, dans le Yémen ou en Abyssinie, elle était à l’abri des attaques des voleurs et des maraudeurs.

Abraha avait dans le Yémen deux fils, l’aîné nommé Yaksoum, l’autre Masrouq. Quand il était parti, il avait établi Yaksoum son lieutenant et lui avait confié l’armée et le gouvernement. Lorsqu’on apprit la mort d’Abraha, Yaksoum monta sur le trône, et l’rmée abyssine le reconnut.

Après lui régna Masrouq, et ensuite vint Saïf ben Dsou Yezen. Depuis l’invasion du Yémen par Aryât jusqu’au moment où Masrouq et les Abyssins perdirent le royaume, il se passa soixante et douze ans.

Pendant tout cet espace de temps, le pays appartint aux Abyssins. Il y eut quatre rois abyssins : Aryât, Abraha, Yaksoum et Masrouq. Abraha vécut du temps de Nouschirwân.


Et Allah Seul Sait….
Sur ce, Que la Paix de Dieu soit sur vous et vous accompagne partout où vous êtes.

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