Jour 29 : Les versets liminaires
Dieu révéla le Noble Coran à son loyal Messager pendant sa mission prophétique. Les sourates du Noble Coran constituèrent un vaste registre de l’Histoire de la prédication, une brillante guidance exposant l’essence de l’Appel divin et une Législation éternelle :
« Nous avons certes révélé le Rappel, et c’est Nous qui le préservons. »
Dans chaque sourate du Noble Coran, nous trouvons un esprit général qui la gouverne et une idée principale qui en constitue le pivot. Les versets liminaires se sont diversifiés selon la variation des thèmes des sourates.
Ainsi certaines sourates commencent-elles par les louanges à Dieu. C’est le cas de sourate Al-Fatiha : « Louange à Dieu, le Seigneur des Mondes ». C’est également le cas de sourate Al-An`âm : « Louange à Dieu qui a créé les cieux et la terre, et établi les ténèbres et la lumière ». Citons aussi Sourate Al-Kahf qui commence ainsi : « Louange à Dieu qui fit descendre le Livre sur Son serviteur ».
D’autres sourates sont entamées par une interpellation : « Ô gens ! », « Ô toi, l’enveloppé ! », « Ô toi, le revêtu d’un manteau ! ».
D’autre part, certaines sourates débutent par un serment, comme : « Par ceux qui sont placés en rangs ! », « Par les vents qui éparpillent ! », « Par le Mont ! », « Par l’étoile ! », « Par l’aube », « Par le soleil », « Par la nuit », « Par le Jour Montant ! », « Par les coursiers haletants ! », « Par le Temps ! ».
Lettres Alphabétiques
Il est des sourates coraniques qui débutent par des lettres de l’alphabet ne constituant pas un mot. C’est le cas de « Alif, Lâm, Mîm ». Il s’agit de la retranscription de trois lettres de l’alphabet arabe. Par exemple, la deuxième sourate du Coran – sourate Al-Baqarah – commence par ces trois lettres.
Il y a dans le Coran diverses formulations présentant ce type de versets liminaires. Parfois il s’agit d’une seule lettre comme dans : « Sâd. Par le Coran, au renom glorieux ! » ou « Qâf. Par le Coran glorieux ! », ou encore, « Nûn. Par la plume et ce qu’ils écrivent ! ».
D’autres versets liminaires présentent deux lettres : « Tâ, Hâ. Nous n’avons point fait descendre sur toi le Coran pour que tu sois malheureux », « Yâ, Sîn, Par le Coran plein de sagesse », « Hâ, Mîm, La révélation du Livre vient d’Allah, le Puissant, l’Omniscient ».
D’ailleurs, « Hâ, Mîm » inaugure plusieurs sourates : Ghâfir, Fussilat, Ash-Shûrâ, Az-Zukhruf, Ad-Dukhân, Al-Jâthiyah et Al-Ahqâf.
D’autre part, certaines sourates commencent par trois lettres : « Alif, Lâm, Râ » ou « Alif, Lâm, Mîm ». Nous retrouvons « Alif, Lâm, Mîm » au début des sourates Al-Baqarah, Âl `Imrân, Al-`Ankabût, Ar-Rûm, Luqmân, et As-Sajdah.
En outre, il y a des sourates entamées par quatre lettres : « Alif, Lâm, Mîm, Sâd » ou « Alif, Lâm, Mîm, Râ ».
Enfin, certains versets liminaires comptent cinq lettres. C’est le cas de sourate Mariam : « Kâf, Hâ, Yâ, `Ayn, Sâd ; C’est un récit de la miséricorde de ton Seigneur envers Son serviteur Zacharie ».
Sens des versets liminaires
Ces versets liminaires, composés d’une ou plusieurs lettres alphabétiques, n’ont pas de sens propre dans la langue arabe. Il ne nous est pas parvenu de traditions authentiques remontant au Prophète (saw) en explicitant le sens.
Cela dit, maintes opinions furent rapportées des pieux prédécesseurs. Malgré la multiplicité de ces opinions, elles se résument en deux opinions essentiellement :
Première opinion : Le sens de ces versets liminaires composés de lettres alphabétiques fait partie des choses que Dieu a gardées pour Lui-Même et que nul autre ne connaît. C’est l’opinion de nombreux Compagnons et Successeurs.
Seconde opinion : Le sens de ces versets est accessible. Diverses interprétations ont été données à leur sujet :
1- Certains affirment que ces versets constituent le nom des sourates qu’ils entament ou que chacun de ces versets marque la fin d’une sourate et le début d’une autre.
2- D’autres estiment qu’ils renvoient à des Noms et Attributs de Dieu – Exalté Soit-Il. On attribue à Ibn `Abbâs l’opinion selon laquelle dans « Kâf, Hâ, Yâ, `Ayn, Sâd », la lettre Kâf est prise dans le mot Al-Mulk (Royauté), la lettre Hâ est celle du Titre de Majesté Allâh, la lettre Yâ est celui d’Al-`Azîz (le Grandiose), et la lettre Sâd est celle d’Al-Musawwir (le Façonneur).
On lui attribue également une opinion soutenant que « Kâf, Hâ, Yâ, `Ayn, Sâd »renvoie à Kâfin (le Protecteur), Hâdin (le Guide), Amîn (le Loyal), `Âlim (le Savant) et Sâdiq (le Véridique).
Il a été rapporté selon Ad-Dahhâk que le sens de Alif, Lâm, Râ est Ana Allâhu Arfa` (Je suis Dieu, J’élève les rangs).
3- D’autres encore pensent qu’il s’agit d’un serment divin visant à montrer l’honneur de ces lettres que l’on retrouve dans le Livre révélé à Son Messager.
4- Selon une autre opinion, ces versets liminaires visent à éveiller l’audience et à l’interpeller
5- Ils viseraient, selon une autre opinion encore, à attirer et à séduire les gens qui se détournaient du Coran afin qu’ils lui prêtent une oreille attentive. Il est connu que les ennemis de l’Islam, à ses débuts, s’incitaient mutuellement à ne pas écouter le Coran et se disaient :
« (…) Ne prêtez pas l’oreille à ce Coran, et faites du chahut (pendant sa récitation), afin d’avoir le dessus »
(Sourate 41 Verset 26)
Lorsque les sourates commençant par des lettres de l’alphabet furent révélées, c’était là une chose peu familière pour eux, si bien qu’ils tendirent l’oreille attentivement. Ils se retrouvèrent alors face à des versets explicites qui ont séduit leurs cœurs. Trouva la foi celui pour qui Dieu voulait la guidance, s’y refusa celui que Dieu voulait éloigner, et la preuve fut établie contre les orgueilleux tyrans.
6- Enfin, ces lettres seraient mentionnées en guise de défit et pour témoigner de l’Inimitabilité du Coran. Toutes les créatures sont incapables de produire quelque chose de similaire au Coran, alors qu’il est composé de ces mêmes lettres alphabétiques dont ils usent dans leurs discours. C’est là une preuve qu’il ne provient pas d’un être humain et qu’il s’agit, certes, d’une révélation émanant d’un Sage, Très Digne de Louanges.
Les tenants de cette opinion ont également constaté que les versets liminaires étaient quatorze au total, soit la moitié des lettres de l’alphabet arabe. Ils ont aussi constaté que, de chaque catégorie de lettres, elles comportaient la moitié, soit la moitié des lettres soufflées, la moitié des lettres ostensibles, la moitié des lettres toniques, la moitié des lettres atones, la moitié des lettres refermées, et la moitié des lettres ouvertes, comme pour dire :
« Que celui qui prétend que le Coran n’est pas un miracle, qu’il prenne les lettres restantes et qu’il fasse une composition pouvant lui tenir tête. »
A la lumière du Coran
Si nous lisons attentivement le Coran, en suivant de près ces nobles sourates débutant par des lettres détachées, nous remarquerons, de façon générale, qu’elles traitent de la révélation du Noble Coran et de son caractère miraculeux et inimitable. Cela montre que ces lettres sont citées au début de la sourate pour mettre en valeur le défi lancé aux créatures et pour souligner l’inimitabilité du Coran. Ce n’est aucunement l’œuvre d’un humain : il s’agit du Livre divin révélé à Mohammad(saw). Par ce Livre, Dieu a scellé Son Message destiné à Ses créatures. Il y a explicité Sa Législation et les lois qu’Il a inscrites dans l’univers. Ce Livre sacré constitue un éternel miracle pour son Messager, un témoignage vivant qu’il est le Messager du Seigneur des mondes.
Méditons les versets suivants :
« Alif, Lâm, Mîm. C’est le Livre au sujet duquel il n’y a aucun doute, c’est un guide pour les pieux. »
(Sourate 2 Versets 1 et 2)
« Alif, Lâm, Mîm. Allah, point de divinité à part Lui, le Vivant, Celui qui subsiste par Lui-même. Il a fait descendre sur toi le Livre avec la vérité […]. »
(Sourate 3 Versets 1-3.)
« Alif, Lâm, Mîm, Sâd. C’est un Livre qui t’a été descendu […]. »
(Sourate 7 Versets 1 et 2)
« Alif, Lâm, Râ. Voici les versets du Livre plein de sagesse. »
(Sourate 10 Verset 1)
« Alif, Lâm, Râ. C’est un Livre dont les versets sont parfaits en style et en sens, émanant d’un Sage, Parfaitement Connaisseur. »
(Sourate 11 Verset 1)
« Alif, Lâm, Râ. Tels sont les versets du Livre explicite. Nous l’avons fait descendre, un Coran en [langue] arabe, afin que vous raisonniez. »
(Sourate 12 Versets 1 et 2)
« Alif, Lâm, Mîm, Râ. Voici les versets du Livre ; et ce que t’a été révélé par ton Seigneur est la vérité […] »
(Sourate 13 Verset 1)
« Alif, Lâm, Râ. (Voici) un livre que nous avons fait descendre sur toi, afin que – par la permission de leur Seigneur – tu fasses sortir les gens des ténèbres vers la lumière […]. »
(Sourate 14 Verset 1)
« Alif, Lâm, Râ. Voici les versets du Livre et d’une Lecture explicite. »
(Sourate 15 Verset 1)
« Tâ Hâ. Nous n’avons point fait descendre sur toi le Coran pour que tu sois malheureux. »
(Sourate 20 Versets 1 et 2)
« Tâ, Sîn, Mîm. Voici les versets du Livre explicite. »
(Sourate 26 Versets 1 et 2)
« Tâ, Sîn, Mîm. Voici les versets du Livre explicite. Nous te racontons en toute vérité, de l’histoire de Moïse et de Pharaon, à l’intention des gens qui croient. »
(Sourate 28 Versets 1 à 3)
« Tâ, Sîn.. Voici les versets du Coran et d’un Livre explicite. »
(Sourate 27 Verset 1)
« Alif, Lâm, Mîm. Voici les versets du Livre plein de sagesse. C’est un guide et une miséricorde aux bienfaisants. »
(Sourate 31 Versets 1 à 3)
« Sâd. Par le Coran, au renom glorieux (Dhikr). »
(Sourate 38 Verset 1)
« Hâ, Mîm. La révélation du livre vient d’Allah, le Puissant, l’Omniscient. »
(Sourate 40 Versets 1 et 2)
« Hâ, Mîm. [C’est] une Révélation descendue de la part du Tout Miséricordieux, du Très Miséricordieux. »
(Sourate 41 Versets 1 et 2)
« Hâ, Mîm. Par le Livre explicite * Nous en avons fait un Coran arabe afin que vous raisonniez. »
(Sourate 43 Versets 1 à 3)
« Hâ, Mîm. Par le Livre (le Coran) explicite. Nous l’avons fait descendre en une nuit bénie, Nous sommes en vérité Celui qui avertit. »
(Sourate 44 Versets 1 à 3)
« Qâf. Par le Coran glorieux ! »
(Sourate 50 Verset 1)
Circonstances de la Révélation
Si nous analysons les circonstances générales de la révélation de ces versets, nous verrons qu’il s’agit de sourates mecquoises, à l’exception des deux sourates Al-Baqarah et Âl `Imrân. Ces sourates débattent avec les mécréants mecquois, les sortent de leur entêtement, en leur indiquant les signes d’inimitabilité dans ce Livre éternel que Dieu révéla à Son Messager en guise de guidance pour eux, de lumière pour leur vie, et de modèle pour leur éthique. Mais ils se bouchèrent les oreilles, refusèrent de l’écouter et dirent :
« Ce ne sont là que les légendes des peuples révolus »
Ils prétendirent que c’était une parole inventée et qu’ils étaient capables de produire des paroles similaires. Ils ne cessèrent de propager le doute pour éloigner les gens et les détourner du Coran. C’est alors que ces sourates furent inaugurées par ces lettres détachées pour interpeller leurs cœurs et attirer leur attention. L’effet de surprise face à ce qui est peu familier a un impact certain sur l’ouïe et l’éveil de l’esprit.
Secret de l’Inimitabilité (I`jâz)
Il se peut aussi que l’inimitabilité et le caractère miraculeux de ces lettres résident dans le fait qu’elles renferment toutes les facettes mentionnées par les savants qui en ont étudié le sens. Il s’agit de versets liminaires. Ce sont aussi des signes renvoyant aux Noms de Dieu – Exalté Soit-Il – ou à Ses Attributs.
C’est également un moyen d’interpeller et d’éveiller les insouciants. En outre, ce sont des serments divins témoignant de l’honneur du Coran et ses mérites. Ce sont des versets dont le sens fut gardé dans le Savoir divin. Ainsi, les avis des savants sont des efforts louables visant à en atteindre les secrets et à pénétrer la sagesse d’ouvrir les sourates de la sorte.
Dieu ne cesse d’accorder Ses grâces et bienfaits à Ses serviteurs, de jour comme de nuit, pour qu’ils comprennent le Coran et pénètrent ses sens profonds.
On demanda à l’Imâm `Alî (ra) :
« Le Messager de Dieu (saw) vous a-t-il privilégié par quelque chose » . Il dit : « Non, si ce n’est une compréhension du Coran que Dieu accorde à un homme ».
Véridique est la Parole de Dieu : « Dis : Si la mer était une encre [pour écrire] les paroles de mon Seigneur, certes la mer s’épuiserait avant que ne soient épuisées les paroles de mon Seigneur, quand bien même Nous lui apporterions son équivalent comme renfort. »
(Sourate 18 Verset 109)